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La cité du Parc

Contexte  historique :

Dans les années de l’immédiate après-guerre, les besoins en logement sont énormes.  Il faut reconstruire les logements détruits pendant la guerre et renouveler le parc immobilier vétuste et souvent insalubre. Il est créé un ministère de la reconstruction et de l’urbanisme (MRU). L’Etat s’implique dans la construction de logements. M. Claudius petit, ministre est partisan de créer des logements “aidés“ pour permettre  d’offrir un logement décent aux familles n’ayant pas les moyens de payer un loyer. Les moyens sont plus ou moins bloqués par la loi de 1948 qui assure le maintien dans les lieux des locataires et fixe le montant des loyers suivant une règle nommée “surface corrigée. Cette loi n’encourage pas l’investissement dans les locaux locatifs. Des qu’un appartement se libère, le propriétaire préfère le mettre en vente  plutôt que de le louer à nouveau. L’initiative de créer de nouveaux logement ne peut venir que de l’Etat. Ainsi sont nés les logements HLM (habitation à loyer modéré) 

 En janvier 1953, Eugène Claudius Petit, ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme est remplacé par M. Pierre Courant, maire du Havre alors que M. Bloch Laisné  prend la Direction de la Caisse des Dépots et Consignation.  Ces deux hommes mettent sur pied une loi et un programme concernant le logement. La loi institue une véritable économie mixte de la construction  qui échappe au secteur HLM. Le programme consiste à utiliser les bénéfices importants des activités financières de l’établissement pour réaliser, grâce au nouveau dispositif  financier, un important programme de logements “populaires“ sous la forme d’un placement immobilier. [1]

            À partir de ce moment, la Caisse des Dépôts et Consignations n’est plus seulement un financeur de l’immobilier, mais devient un promoteur. Pour cela  la création d’une filiale technique s’impose. C’est ainsi qu’est créé le 11 juin 1954, la Société centrale immobilière de la Caisse des dépôts (SCIC).

La  construction de la Cité du Parc de Vernouillet s’inscrit dans cette nouvelle politique de la Caisse des dépôts.

En 1948, le château de Vernouillet et son parc appartiennent à Mlle Droin qui a un élevage des chiens. Celle-ci décède en 1955 et ses héritiers décident de mettre la propriété en vente. L’ensemble est acquis par la Caisse des dépôts et consignation qui projette la construction d’un ensemble de 813 logements sociaux et l’installation d’une maison de retraite dans les bâtiments du château.

Pourquoi ce projet ? certains événements en sont à l’origine :

En 1953, la société des automobiles SIMCA dont les usines sont situées à Nanterre, rachète l’ensemble de la société Ford France dont les usines sont à Poissy. La direction SIMCA décide de transférer l’ensemble de ses activités sur le site de Poissy. Ce transfert de Nanterre à Poissy crée un besoin important de logements pour le personnel. Ainsi se construisent à Poissy même la cité de Beauregard et à Vernouillet, la cité du Parc.

Georges Poisson dans son livre “Pays du dimanche“ paru en 1964 présente la cité du Parc comme… le “grand ensemble“ le plus réussi de la région parisienne…[2]Il répond aussi à une demande de la Municipalité confrontée à une forte demande de logement. Voilà ce que l’on peut lire dans le bulletin municipal N°1 de 1963, dans un article signé Jean Mahler, maire :

…Il a fallu prévoir l'aménagement de la com­mune, pour absorber cet accroissement de la po­pulation, en lui assurant des logements, en pré­voyant des écoles supplémentaires, et en prenant des mesures générales pour le bien-être de la population.

Jusqu'en 1956 le problème du logement était très aigu: la Mairie recevait sans arrêt des de­mandes de mal-logés ou de jeunes ménages, la cadence de la construction sur la commune res­tait trop faible pour satisfaire les besoins.

La vente du château a provoqué l'implantation de l'ensemble immobilier dans lequel la munici­palité a pu faire réserver 10 % des logements construits pour les mal logés et les non logés du vieux pays: ces logements ont été rapidement tous occupés.

La municipalité a pu également obtenir de la c.I.R.P. la prise en charge par cette société des terrains des écoles, de l'assainissement, de la voi­rie et de l'éclairage de l'ensemble du Parc. …

La création de cet ensemble s’inscrit dans le cadre d’un vaste programme de construction de la de la Caisse des dépôts et consignations et qui concerne plusieurs villes de banlieue dans toute la France. C’est l’époque où il fait faire face à une forte demande de logement pour répondre à l’apport massif de population suite aux développement intense des activités industrielles et à leur délocalisation.

La construction de l’ensemble est confiée à l’architecte Gustave Stoskopf.

Qui est Gustave Stoskopf. ? Je donne ci-après la présentation qu’en a fait Paul Landauer dans son livre “L’invention des grands ensembles “:

Gustave Stoskopf est l’un des seuls architectes de province qui soit devenu architecte-conseil (du Haut-Rhin). Second Grand Prix de Rome en 1933 (atelier Pontremolli), Prix Guadet du meilleur diplôme en 1935, prix Blumenthal en 1939, il dirige après 1945, la reconstruction de nombreux villages viticoles alsaciens, parmi lesquels Ammerschwihr, village dans lequel il propose un remembrement adapté au caractère pittoresque du site. Ses réalisations  cherchent  le plus souvent à interpréter les formes de l’architecture vernaculaire dans un vocabulaire moderne, ainsi qu’en témoignent les constructions qui bordent la petite place de l’Homme de fer au cœur de Strasbourg, créée à l’emplacement d’un “trou de bombe“ : une petite tour – réunissant les allocataires de maisons endommagées- se dresse sur un des angles de la place, telle un clocher signalant discrètement la présence d’une nouvelle ère de civilisation. Ses interventions, jamais dogmatiques, sont très appréciées en Alsace où il apparaît comme un véritable intercesseur entre la tradition régionale et les tendances modernes « parisiennes ».“

            On peut, à la lecture de cette présentation élogieuse, déplorer qu’à Vernouillet, il n’a pas tenu compte de l’environnement historique du village. Certains immeubles se situent à l’intérieur du site de protection d’un monument classé (L’église). De même les immeubles sont d’une esthétique peu compatible avec le style du château  du XVIIIe siècle dans le parc duquel ils ont été construits.

L’ensemble du Parc de Vernouillet est inauguré en 1956 par M. Demange, préfet de Seine et Oise. Il comprend :

16 immeubles de 5 niveaux

Une tour de 14 niveaux

Un centre commercial

Un centre social

3 groupes scolaires

Des aires de jeu pour les enfants

Une chapelle [3]

Vue aérienne de la cité du Parc  figurant dans le bulletin municipal de 1963

La construction des écoles n’est pas achevée.  (photo Spirale)

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Vue aérienne datant des premières années  de la cité.

Au premier plan, le Centre social ALFA (carte postale Yvon)

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La grande majorité des appartements sont occupés par des membres du personnel SIMCA. Chaque appartement est doté d’une salle d’eau, du chauffage central et d’une cave.

La tour est habitée en partie par des cadres. Elle est équipée d’une télévision collective VISOREX, ce qui est un vrai luxe à une époque où seulement 10% des foyers possédaient la télévision. Une bibliothèque y est aussi installée. À titre indicatif, en 1958, le loyer d’un 2piecs cuisine de 44m2 est de 14.000 F/mois. En 1960, celui d’un 3 pièces cuisine de 53m2 est de 24.000 F.

Le centre commercial [4]situé au pied de la tour, ,comprend :

Un FAMIPRIX, superette d’alimentation générale, une boucherie, un charcutier traiteur,  une librairie – journaux, une poissonnerie, une droguerie, une teinturerie, une bonneterie, une boutique de fruits et légumes, une crémerie, un salon de coiffure hommes, un marchand de chaussures, une agence bancaire.

Ainsi, les résidents trouvent sur place de quoi répondre à tous leurs besoins quotidiens.

La tour et le Centre commercial (photo Lyma)

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La perspective du château devant être conservée, un espace important est aménagé entre les immeubles. La pointe de l’ancienne flèche du clocher qui avait été donnée à M. Hottot lors des restaurations de l’église en 1879 devait être déplacée pour servir de clocher à la nouvelle chapelle.  Elle a bien été déplacée, mais à aucun moment placée pres de la chapelle. Les pierres ont été retrouvées par hasard en 2004 dans le parc par le Cercle historique.

Carte postale ancienne montrant la pointe du clocher au fond du parc

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Les pierres et la boule retrouvées en 2004

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Les écoles du Parc :

3 groupes scolaires ont été construits :

Le groupe La Paix

Le groupe Saint Exupery

Le groupe Decaris

 Il faut ajouter les bâtiments déstinés aux logements des instituteurs.

Le groupe La Paix :

Il se situe près de la ligne de chemin de fer et comprend une école primaire, une école maternelle et un terrain de sport.

Au cours des ans, l’effectif scolaire diminue. La maternelle fusionne avec la maternelle Decaris qui prend le nom de “Tom Pouce“. L’école primaire rattachée à la nouvelle école Annie Fratellini (anciennement Saint Exupery) est démolie en 2002.

Le groupe scolaire Saint Exupery

Situé  pres de la Tour vers  la partie haute du parc, elle comprend une école primaire et une école maternelle. Elle  change de nom pour devenir l’école “Annie Fratellini“

Le groupe scolaire Decaris

Il se situe le long de la route de TrieI.l Il comprend une école primaire et une école maternelle. Mais la  construction ne commence qu’en 1965 et ne sera achevée qu’en 1966

L’école Decaris en construction présentée dans le bulletin municipal de 1965

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Mais, dès la fin des travaux, cette école s’averre excédentaire pour l’accueil des enfants du quartier.

Il est décidé d’installer dans ces locaux un établissement secondaire , cours complémentaire, accueillant de la sixième à le troisième les classes de cycle court. Les élèves des classes de cycle long vont au collège Jean Zay à Verneuil. À partir de la rentrée 1974, le Collège ouvre les classes des cycle longs et devient un collège à part entière (CES) Il prend le nom d’Émile Zola.

            En 1986, le nouveau collège Emile Zola est construit  sur le plateau sur la route de Chapet, à la limite de la ZAC des Rois. Les bâtiments sont alors utilisés comme annexe du Lycée Van Gogh des Mureaux. Il est vendu à la Région par la municipalité. Le lycée Van Gogh évacue ces locaux  qui sont rétrocédés par la Région à la Mairie. En 2010, la Municipalité décide de démolir le bâtiment et de céder l’emplacement à un promoteur immobilier, Bouygues 

            Des l’installation du collège dans les locaux, les bâtiments abritant l’école maternelle Decaris et des logements d’instituteurs ont été séparés de l’ensemble. Ils existent encore aujourd’hui.

Le boulevard de l’Europe :

Lorsque le boulevard de l’Europe a été projeté, le projet de la Cité du Parc n’était pas encore établi. Lorsqu’en 1958, la réalisation du projet, doit se concrétiser, elle soulève de nombreuses protestations. Une pétition recueille  plus de 1500 signatures. Il est proposé de construire la rocade sur le plateau, rocade qui figure déjà dans les projets et qui permettrait d’assurer la circulation de transit sans passer dans le village. Mais rien n’est fait. La DDE campe sur ses positions en c confirmant que le projet  avait été approuvé. Certes, la Cité du Parc n’existait pas encore.

Résultat :

Le boulevard de l’Europe coupe en deux la cité du Par et passe devant la porte de l’école Saint Exupery. On a dénombré plusieurs accidents d’enfants se rendant à l’école. La mise en place de feux tricolores au carrefour de la rue Girardin, de la rue Jean Jaurès et à la sortie du centre commercial a amélioré la sécurité. Mais la circulation a beaucoup augmenté et la coupure demeure, malgré le souterrain construit sous le boulevard.

            Une question se pose : lorsque M. Stosskopf a conçu son projet de Cité du Parc, le boulevard était-il déjà programmé et son tracé connu. ? Pourquoi, alors ne pas intervenir ou faire intervenir les édiles pour que ce projet de boulevard soit modifié , voire abandonné, avant de commencer la construction des immeubles ? Cela aurait été une simple question de bon sens, mais le bon sens fait trop souvent défaut dans les administrations. Pourtant, la sécurité des écoliers devrait être considérée comme primordiale.

Le Centre socioculturel du Parc :

Le centre socioculturel du Parc s’appelait à l’origine centre ALFA.

L’ALFA est un organisme créé par la Caisse des dépôts et consignations au même titre que la SCIC.Son rôle est d’assurer dans les ensembles construits le volet social . Son statut est celui d’une association loi 1901. Son rôle est de faire participer les habitants de l’ensemble à des activités sociales ou culturelles. L’ALFA s’oriente vers une formule permettant “ la prise en gestion ultérieure des équipements socio-culturels qu’elle met en place, par des associations locales en voie de structuration où l’on retrouve la participation des résidents, des municipalités, des associations utilisatrices…“.[5].

À Vernouillet, le centre social, dirigé par un directeur ALFA, accueille des activités sociales (permanence d’assistantes sociales) et des activités culturelles diverses gérées par différentes associations de Vernouillet. l’Amicale laïque et  l’association familiale sont le principaux artisans  des activités diverses permanentes  comme la poterie, la danse, une bibliothèque pour les enfants, des cours d’alphabétisation pour les femmes immigrées, Les locaux du centre sont également utilisés par d’autres associations pour leurs activités comme les associations de parents d’élèves, la chorale Chanteclair (qui deviendra plus tard, musique en Val de Seine) l’association des résidents…

Même si à l’origine, le centre social est destiné aux activités du seul quartier du Parc, bientôt de nombreuses associations générales de Vernouillet utilisent les locaux.

L’ALFA assure seule la gestion du Centre. Le personnel ALFA se limite à un directeur et une secrétaire.

En 1977, comme prévu, l’ALFA décide de se désengager, au bout de 3 ans de la gestion du centre social. Une association de gestion est créée. Elle est composée paritairement par la Municipalité et par les associations utilisatrices. Le Conseil d’administration est composé à 50% d’élus et 50% de représentants des associations. Il y a deux collèges associatifs :

1 Les associations utilisant les locaux de façon permanente

2. Les associations utilisant les locaux du centre de façon occasionnelles.

Le directeur du centre est dans les premiers temps nommé par l’ALFA qui a maintenant le rôle de prestataire de services.

Pendant plusieurs années, l’ALFA a assuré la direction de Centre social, mais l’organisme a rencontré une certaine difficulté à admettre qu’il n’était plus le maître d’œuvre et devait accepter de se plier aux décisions du Conseil d’administration.

Les difficultés relationnelles entre l’ALFA et le Conseil d’administration de l ’association de gestion du Centre amèneront celui-ci à engager directement  le directeur et les autres personnels.

Cette situation dure jusqu’en 2001 où la nouvelle municipalité décide de gérer directement le Centre. Pour en assurer la gestion, elle lance un appel d’offre.

L’association de gestion a répondu à l’appel mais n’a pas été retenue. L’administration  est confiée à la Ligue de l’Enseignement.

En 2005,la Municipalité décide de rénover complètement le bâtiment du Centre Centre social. La Ligue de l’enseignement  est remerciée et les locaux deviennent un local municipal rebaptisé “ L’espace des Résédas“. Sa gestion est assurée par du personnel municipal. Ainsi , le centre Social, en tant que tel, disparaît . Les salles continuent à être partiellement utilisées par diverses association, mais celles-ci n’exercent plus de responsabilité dans la gestion de l’équipement

L’espace des résedas

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La fin de l’école Decaris , puis collège Emile Zola, puis annexe du lycée Van Gogh

Lorsque le collège Émile Zola s’installe dans ses nouveaux locaux, sur laroute de chapet, les bâtiments qu’il occupait dans le parc sont mis à la disposition du lycée Van Gogh des Mureaux qui y installe une annexe.

            Les lycées dépendant de la Région, la Municipalité vend en 1997, les locaux à la Région pour 4 milllions de francs.  En 2001, le lycée Van Gogh évacue les locaux qui sont retrocédés à la commune pour l’Euro symbolique. Pendant plusieurs années les locaux restent inocupés. Finalement la Municipalité décide en 2009 de les céder à la Société Bouygues pour la construction de logements . Les travaux sont entrepris en 2010

Dernière photo de l’école Decaris, avant démolition

Commpe on peut le voir, les bâtiments sont en bon état

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Ils  se poursuivent pendant l’année 2011. Ainsi ce bâtiment qui devait être à l’origine une école primaire, deviendra college puis annexe de lycée avant de passer dans le domaine privé.

Annonce de la construction des logements Bouygues (photo prise en 2010 avant le délmarrage des travaux . Panneau placé sur l’avenue de Triel . On reconnaît les anciens bâtiments  de l’école qui vont être démolis.

Quelle était verte ma vallée !

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Le projet est présenté comme un projet “vert“, sauf qu’à l’endroit prévu, il n’y a aucun espace vert ! le panneau est particulièrement mensonger, mais lorsque l’on va voir sur place, on se rend compte du manque de sérieux de la publicité. Les panneaux présentent les nouveaux bâtiments comme s’ils étaient au milieu d’un parc de verdure.

Vue du chantier en aout 2011, côté avenue de Triel, rue particulièrement passante.

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[1] Voir l’ouvrage  de Paul Landauer : “L’invention du grand ensemble“

[2] Georges Poisson “Pays du Dimanche, Ile-de-France 1. Ouest,Arts et métiers graphiques, 1964

[3] L’histoire de la chapelle est traitée au  chapitre consacré à la paroisse

[4] L’histoire et l’évolution de ces commerces est triatée dans le chapitre consacré aux commerces

[5]cf  Paul Landauer “ L’invention d’un grand ensemble“ éditions Picard 2010