Peut-on donner une date de la libération de Vernouillet en 1944 ?
Certes, du jour où les soldats américains avaient remplacé les Allemands, le soir du 25 août 1944, Vernouillet était théoriquement liberé.
Mais Vernouillet n'était pas encore vraiment libre, car pendant cinq jours le village sera sous le feu d'un duel d'artillerie intense entre les allemands basés sur les hauteurs de l'Hautil dominant Triel et les Américains installés sur les hauteurs de Marsinval. Ce n'est que le 30 août, les alliés ayant franchi la Seine le 29, que Triel est libéré et que Vernouillet connaît la Paix.
Pourtant le 19 août déja, les FFI étaient à la Maladrerie de Poissy. Le 20, les Américains sont signalés aux Alluets le Roi. À Vernouillet, on se voyait déjà libéré. Mais du 22 au 25 août, les Allemands lancent une contre-offensive. La Maladrerie est reprise le 20, Poissy est réoccupé les 22 et 23 août. Les Américains contre attaquent à leur tour. À partir du 26 août, le front s'établit sur la Seine.
Il existe très peu de documents à Vernouillet sur les évènements qui se sont passés à cette époque. À l'aide d'ouvrages, malheureusement rares, écrits sur cette période et grâce à des témoignages, nous avons essayé de décrire ce que l'on pourrait appeler la Libération de Vernouillet. Certains témoignages rapportent le même événement sous des versions différentes voire contradictoires. Il ne nous appartient pas de prendre position pour une version ou une autre et nous les avons écrites telles qu'elles nous ont été racontées.
Il est plus que probable que d'autres événements s'y soient déroulés. Nous prions nos lecteurs de bien vouloir nous excuser pour les omissions ou erreurs qui pourraient se trouver dans cet ouvrage. Nous les remercions de bien vouloir nous les signaler de façon à compléter ce document.
2 VERNOUILLET PENDANT LA GUERRE
MAI-JUIN 1940 :
C'est la débâcle. L'armée française écrasée recule sur tous les fronts. Les Vernolitains partent. C'est l'exode.
Le 9 juin 1940 l'armée française fait sauter le pont de Triel.
Les 10 et 11 juin 1940, les restes des 2 èmes et 4èmes DCR commandées par le Général Delestraint[1] traversent la Seine à Mantes, Meulan et Poissy et se regroupent à Rambouillet.
Quelques jours après, les Allemands sont à Vernouillet. Un incident survient le 17 août 1940[2].
Un certain Remy est vu par une estafette allemande tenant un fusil à la main. Prévenu de ce fait, un officier fit rassembler Monsieur l'abbé Mercier, curé de Vernouillet, et deux conseillers municipaux, messieurs Marius Decaris et Pottier. Il les fit ranger contre un mur à l'entrée du Clos Thonesse et se disposait à les faire fusiller. Sur ces entrefaits, Monsieur Castelli, arguant de sa nationalité italienne, affirma à l'officier que ces hommes-là étaient entièrement innocents et étrangers aux faits incriminés, que l'homme vu avec un fusil à la main était un fou, et que l'on ne savait pas ce qu'il était devenu. L'officier fit relâcher les trois hommes. Quelques jours après, Monsieur l'abbé Mercier remit à M. Castelli un certificat dont nous donnons ci- après la copie. À M. Castelli, disant que c'était inutile, qu'il n'avait fait que son devoir, M. l'abbé Mercier répondit que ce papier pourrait lui servir un jour. (Texte annexe 1)
L'occupation à Vernouillet
Nous avons peu de renseignement sur la présence de la garnison allemande à Vernouillet. Des témoignages rapportent un certain nombre de faits dus à l'occupation :
En1942, l'autorité allemande prescrivit une revue générale des chevaux en vue de les acheter.
" Tous les chevaux âgés de 4 à 15 ans inclus, à l'exception des étalons, purs sangs chevaux entiers et juments visiblement pleines, devront obligatoirement êtres présentés à la revue, l'autorité allemande étant seule juge de l'opportunité d'achat. Menace des sanctions les plus sévères ; aucune excuse admise; les propriétaires doivent prendre la route par leurs propres moyens et en temps utile pour arriver à l'heure prescrite (à Versailles à 9 heures du matin), chaque animal nettoyé et pourvu d'un licol et d'une rêne d'attache ou d'une corde. Les chevaux présentés en mauvais état, quoique aptes sont moins payés à leur propriétaire " [3]
Un témoignage rapporte que les Allemands imposaient aux fermiers de fournir fourrage, foin et avoine. Les autorités allemandes, pour éviter les actions de sabotage de la Résistance, avaient imposé une garde des meules et une garde des voies de chemin de fer. Ainsi la maison appartenant actuellement à l'entreprise Bonaldy, abandonnée par son propriétaire, M. Salimon Kalker, industriel israélite, fût occupée en 1940 par les gardes-voies, milice composée de français sous la haute surveillance des troupes d'occupation. Un retraité anglais, M. Norris, complètement démuni de ses ressources qui n'arrivaient plus d'Angleterre fut embauché comme garde voie. En 1943, à Triel, les hommes de 18 à 60 ans sont requis pour le service des gardes-voies à Vernouillet [4].
Ce service de surveillance des voies était important : la gare de triage de Verneuil Vernouillet était un point stratégique et la cible de plusieurs bombardements alliés, comme l'usine de construction aéronautique toute proche, aux Mureaux.
Il y avait, à Vernouillet d'autres propriétés appartenant à des israélites parisiens, comme la villa Beauchamps. Certains membres de ces familles ont été déportés et sont morts en Allemagne, mais aucun de ceux qui restèrent à Vernouillet ne fut arrêté. Ainsi la famille Pasternack, père mère et fille étaient fourreurs à Paris. Ils furent hébergés à Vernouillet à la maison Coquelin, rue Eugène Bourdillon. Ils reprirent leur commerce parisien après la libération. Monsieur Miniack qui était gérant d'une chapelerie, rue du Havre à Paris habitait le "Petit Chalet", rue Maurice Berteaux. La famille, père, mère, fille avec un petit-neveu dont les parents (Bernstein) avaient été déportés est restée à Vernouillet pendant toute l'occupation, aidée de près par le maire Georges Bourdillon qui, pour leur permettre de survivre, leur a procuré, comme à plusieurs réfractaires et clandestins, des "fausses vraies" cartes d'identité et d'alimentation.
Dans le jardin de la maison dite "La Tournelle" entre la rue Jean Jaurès et la rue Maurice Berteaux, il a été retrouvé des douilles de Mauser en alliage "ersatz" datant de la fin de la guerre. On peut donc supposer que les Allemands occupaient cette maison en 1944.
À partir de 1942, Vernouillet et sa région connaissent des bombardements aériens : les objectifs sont la gare de triage, l'usine SCAN des Mureaux[5] et l'usine FORD de Poissy...
Un témoin se souvient du bruit assourdissant des forteresses volantes et d'avoir joué avec les serpentins en aluminium lachés par les avions[6].
Un autre rapporte avoir récuperé de nombreux réservoirs supplémentaires largués par les avions.
Le 8 mars 1942, vers16h.30 7 à 8 chasseurs bombardiers britanniques attaquent les usines Ford de Poissy en rase motte détruisant la chaîne de montage. Elle seront à nouveau bombardées de nuit les 2 et 3 avril 1942. Le 2 avril, un avion anglais Blenheim s'écrase à Triel près de l'espace Senet.
À partir de 1943, les bombardements deviennent plus fréquents :
Le 26 juin 1943, 13 bombes tombent sur Pissefontaine, à Triel
Le matin du 3 septembre, la RAF bombarde l'usine SCAN des Mureaux.
LE 2 février 1944 3 avions anglais bombardent le terrain d'aviation des Mureaux.
Le 3 mars, les aviateurs américains bombardent l'usine SCAN des Mureaux. Des bombes tombent à Triel rive gauche près du pont aux Chèvres, limite de Vernouillet et 27 bombes tombent sur Verneuil et Vernouillet.
Le 26 avril 1944, 3 bombes tombent à Verneuil et un chapelet de bombes à Vernouillet dans la zone de la Grosse Pierre, près de l'actuel Champion.
Des combats aériens ont lieu au-dessus du village. Un Focke Wulf 190, avion de chasse allemand est abattu au-dessus de Vernouillet le 13 mai 1944 par le lieutenant Bill Fisher du 377 Fighter Squadron. Son pilote, parachuté est mort. Un autre Focke Wulf 190 est abattu le 19 août au-dessus de Verneuil. [7] Un témoin rapporte qu'un aviateur allemand serait tombé à l'emplacement de l'actuel rond-point de l'Europe. Il pourrait s'agir du même que celui mentionné plus haut.
Le 28 mai 1944, une bombe tombe sur Vernouillet
Le3 juin la gare de triage de Vernouillet est bombardée. Une maison est détruite à proximité de la gare.
Le 5 juin, la gare de triage est mitraillée
Le 6 juin, un avion allemand est abattu au-dessus de Triel
Le 7 juin 1944, la gare de triage est à nouveau bombardée.
Devant la fréquence et l'intensité des bombardements, la population s'inquiète et s'organise. Des abris sont aménagés dans les caves et anciens souterrains.
Mais depuis la veille les Alliés sont en France et la Libération est en marche.
La ferme de Marsinval en 1942. Au premier plan, M. Vicky à qui nous devons un témoignage sur les événements de Marsinval pendant la guerre (photo Vicky)
[1] Le général Delestraint sera nommé par le Général de Gaulle chef de l'Armée secrete le 2 août 1942, sous le nom de code VIDAL.
[2] Le texte ci-après est un extrait du projet de livre de M. Foulon sur l'histoire de Vernouillet
[3] document rapporté par M. Foulon
[4] Cf le livre de Pierre Grand : Triel sur Seine 1939 à 1945 Vie et souffrances locales
[5] Societé de Construction Aéronautique du Nord aujourd'hui usine EADS Aérospatiale des Mureaux
[6] Ces serpents d'aluminium avaient pour but de brouiller les radrs de la DCA ennemie
[7] Renseignements communiqués par M. Bruno Renoult, auteur du livre "Yvelines Nord, août 1944, Derniers combats "