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L'évolution foncière

Vernouillet avant la Révolution

Détail de la carte de l’Élection de Paris  par  Desnos 1766. On voit que la route de Poissy à Meulan passe sur la rive droite. La frontière (trait rouge) entre l’ Élection de Paris et celle de Mantes passe entre Vernouillet et Verneuil. Marsinval et Brezolles (Bresol) sont mentionnés.

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Le plan d’intendance de Duchèsne établi en 1787 donne un premier recensement des terres de Vernouillet : La superficie totale de la paroisse (surface de la commune actuelle) était de 1339 arpents, 7 perches soit 562,40 ha. dont :

Bâtiments, cours, jardins :                         81 arpents, 16 perches

Terres labourables :                                 717 arpents, 62  perches

Prés :                                                          25 arpents, 46 perches

Vignes :                                                  300 arpents, 77 perches

Bois :                                                         59 arpents, 87 perches

Châtaigniers :                                            77 arpents, 68 perches

Friches :                                                    43 arpents, 33 perches

Chemins :                                                 33 arpents, 18 perches

On le voit, les terres dites labourables représentent plus du double des vignes. Ceci contredit le cahier de doléance établi pour les états généraux de 1789 où il est mentionné que la terre est si mauvaise que l’on ne peut y planter que de la vigne.

Détail du plan d’intendance de 1787

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            En 1797, il y avait à Vernouillet 204 « feux », soit environ 920 habitants dont 70 à 80 avaient l’appellation de vigneron. Il fallait  posséder 2 ha de vignes pour avoir ce label qui a disparu petit à petit pour devenir « cultivateur ». D’après Lachiver,“  il y avait environ 150 ha de vignes, la moyenne des parcelles  étant de 3 à 12 ares. La vigne est travaillée manuellement, à l’aide de pioches (houe plate) et croc. Le travail se fait en butte chaussage et déchaussage. Le vigneron possède un cheval ou une à deux vaches. Il jouit d’une certaine aisance pour l’époque et est propriétaire de ses vignes à l’exception de quelques rares locations au seigneur.

Au début du XIXe siècle, il existait  3 pressoirs seigneuriaux à Vernouillet, 1 dans le village, 1 à Marsinval (dans la ferme) et 1 à Brezolles installé par Tautest-Duplain propriétaire du château. Petit à petit apparaissent les pressoirs individuels. Le nombre de vignerons est sur le déclin, mais la date des vendanges est toujours fixée par le seigneur.

            La densité des plantations allant jusqu’à 20.000 pieds de vigne à l’hectare demandait une grande quantité d’échalas de châtaignier. La proximité des deux châtaigneraies de Marsinval facilitait l’exploitation des petites parcelles de vignoble, y compris sur le versant exposé au vent du nord de Marsinval et Breteuil.

Les pieds de vignes, cultivés comme des poiriers avec une taille « en gobelet » demandaient pendant une durée de vie de 80 à 100 ans, des échalas individuels souvent en châtaignier, bois qui n’est pas attaqué par les insectes. Un échalas en châtaignier neuf, épointé chaque année gardait une longueur utilisable pendant une dizaine d’années. L’introduction du fil de fer pour la culture en rangs de vigne entre 1860 et 1870 dans les petites exploitations a diminué le besoin d’échalas . La densité de pieds de vigne à l’hectare est alors de  7.000 et 10.000, gage d’une meilleure qualité, le terrain et le cépage le permettant. En 1825 apparaît la charrue vigneronne qui en passant entre les rangs de vignes facilite les travaux. Un vigneron a pu cultiver seul 4 arpents (env.2 hectares) avec une production de qualité. Les cépages nobles en rouge étaient le Pinot, en blancs, le Pinot-Chardonnay .À ces cépages se mêlaient d ‘autres varietés comme le Meunier, aussi bien en rouge qu’en blanc, la Rochelle (rappelée par le nom d’une impasse de Vernouillet) ou Folle blanche en blanc. Suivant le conseil d’Olivier de Serrres au XVIIe siecle “de 5 à 6 espèces de vin , il faut meubler la vigne“. Le Gamay, en rouge abondant et grossier  n’a probablement pas été planté dans les petites parcelles de Vernouillet.

            Le miel de la lisière des deux « châtaigneraies » de Marsinval, au voisinage de Breteuil , donnait un miel de châtaignier très noir alors qu’il s’éclaircissait près des acacias de Brézolles et devenait plus commercialisable. Il faisait partie de l’exploitation familiale du vigneron « de petite aisance ». Placées en lisière de fôret, à la limite des 2 ou 3 arpents de vignes, les ruches apportaient du sucre et permettaient, en cas de temps peu ensoleillé et de raisin peu sucré, de rendre le  Clairet  de Médan cultivé jusqu’à Breteuil et Marsinval  et peut-être le  Baco  blanc plus chargé en alcool.

Les vignerons :

            Marcel Lachiver mentionne que la vigne en petite parcelle était un bien personnel du fait de l’importance de son traitement  suivant des cycles décennaux, alors que les terres pour d’autres cultures étaient plus facilement louées. Il propose une classification des vignerons en 3 catégories :

            -Les vignerons d’ “indigence“ avec une surface de vigne inférieure à l’arpent (le demi-hectare) et une production souvent inférieure à 5 muids (12 hectolitres). Cette culture peut être un appoint pour des artisans ou commerçants du village à proximité du centre, probablement situés dans le quartier des Gloriettes (Clos de Vignes)

            - Les vignerons de “petite aisance “ avec une surface de vigne pouvant atteindre 4 arpents (2 hectares), surface qu’un vigneron peut cultiver seul. Le cadastre de 1821 montre que le parcellaire de Marsinval correspond à cette forme d’exploitation. 

            - Les “ gros vignerons “ Ils peuvent entrer dans cette catégorie à partir de 2 hectares de vigne surtout lorsque des terres labourables s’y ajoutent. À moins qu’ils ne disposent d’une main d’œuvre familiale importante, ils sont obligés de recourir de façon permanente à la main d’œuvre salariée.

            Cette organisation de l’exploitation demande au vigneron de savoir lire et écrire, en particulier pour la fixation annuelle de la redevance et l’expédition du vin à des clients de Paris.

Famille de vfgnerons dans les échalas

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            Il y avait des fermes qui n’exploitaient aucune vigne.Les plus importante était la ferme de Marsinval (35 ha), la ferme Germain Pottier, rue chaude (rue Aristide Briand),   la ferme Lucien Pottier à l’emplacement de la caserne des pompiers, la ferme Dangueuger, rue chaude (rue Aristide Briand),  la ferme Martin...

            Dans le Dictionnaire topographique des environs de Paris de Charles Oudiette publié en 1817 on peut lire à "Vernouillet" :

“ VERNOUILLET, village, département de Seine et Oise, arrondissement de Versailles, canton de Poissy, ci-devant province de l'Ile de France, et diocèse de Chartres. Sa population est de 8 à 900 habitants, avec le hameau de Marsinval et partie celui de Bresolles. Ce village situé sur une des collines qui bordent la Seine est remarquable par une maison de campagne dont mesdemoiselles Duplain sont propriétaires; la distribution des jardins et du parc, de belles eaux formant une rivière dans leur enceinte, et leur proximité de la Seine que l'on passe sur un bac à Triel en font un séjour très agréable.

La culture principale du terroir de cette commune est en vignes. Les fruits y sont abondants. Vernouillet est à 1 lieue et demie au S. E. de Meulan et 1 lieue trois quarts au N. O. de Poissy ; sa distance de Paris est de 7 lieues un quart par Triel et la grande route de Caen (Poste aux lettres de Meulan)[1]“

La "maison de campagne" est en fait le château de Vernouillet qui appartient à la famille Tautest Duplain depuis 1782. Ces demoiselles Duplain possédaient non seulement le château, mais un très grand nombre de terres agricoles, la ferme de Marsinval et le Pressoir de Brezolles. Sur le cadastre de 1821, figurent 2 autres pressoirs, dans le village, dans la rue chaude (rue Aristide Briand) et la rue du Bout Large (rue Eugène Bourdillon).

La culture des fruits mentionnée va au fil du XIXe siècle supplanter la vigne. Dans les années 1820, les vignes de Provence et du Sud-Ouest sont décimées par le phylloxera. L’expansion de celui-ci est ralentie par la plaine de la Beauce . Ce n’est que bien plus tard que la maladie atteindra l’Ile de France, ce qui permettra à la vigne de survivre. L’envoi par train de faibles quantités de vin aux clients parisiens dès 1846 et surtout en Normandie par voie fluviale, permet de maintenir une certaine rentabilité à l’exploitation. Avec la mobilisation des hommes en 1914, les vignes disparaîtront progressivement. Elles sont remplacées par divers arbres fruitiers : cerisiers, pruniers et pommiers de plein vent mesurant jusqu’à 10mètres avec des variétés qui tenaient l’hiver en cellier sans chambre froide

La destination des terrains à Vernouillet :

Quelle était l’utilisation des terrains de Vernouillet  et quelles ont été les activités au début de cette période ?

             Le cadastre de 1821 donne des informations sur la destination des divers parcelles. Ainsi en dehors des vignes, prés, champs, maisons ou bâtiments on trouve les murgers, terrains où les agriculteurs entassaient les pierres nuisibles à l’exploitation qu’ils avaient retirées des champs..

              Il y a 3 pressoirs dont l’un appartenait aux demoiselles Duplain propriétaires du château. Il y a le moulin à vent qui appartenait à Jacques Henri Brenu.  Deux parcelles sont répertoriées comme Jeu de Boule classées « objet d’agrément. » L’un d’eux appartenait à Jean Baptiste Boy, l’autre à Joseph Boudreau.  Ces « jeux de boule » se situaient  sur des terrains jouxtant les maisons des propriétaires. On trouve aussi plusieurs terrains désignés comme carrière, dans la partie désignée sous le lieu dit « Les carrières ». L’un de ces terrains appartenait aux demoiselles Duplain, du château. Les autres propriétaires étaient  Antoine Chiquet, Albert Laurent , Charles Etienne Boy, Charles Martin Lelarge et Jean Baptiste Senet, menuisier. Jean Baptiste Senet est aussi le propriétaire de la maison de l’actuel presbytère, place Concha et de la maison attenante vers le haut de la rue.

            En 1820, les demoiselles DUPLAIN vendent à M. Antoine Félix GONSE, inspecteur général des Postes et son épouse née Jeannne Cornelie  Vanderschilden, demeurant à Paris, 37 lots de terres dont la ferme de Marsinval et le pressoir de Brezolles, totalisant une surface de 139 hectares.

On peut être surpris que M. Félix Gonse, désigné dans l'acte comme inspecteur des Postes à Paris, ait acquis une surface aussi importante de terrains agricoles à Vernouillet. La famille Gonse n'apparaît pas dans les relevés de l’état civil fait par M. Napoly.[2] Elle n'aurait donc eu aucune attache à Vernouillet avant l'achat de ces terrains en 1820.

Dans son histoire de Morainvilliers, l'abbé  Bellet, mentionne que la famille Gonse était propriétaire du château de Bures. (Je cite) : "...Le plus ancien connu, Henri Gonse, secrétaire du Conseiller d'Etat Guyot et intendant des armées du roi. Il habitait habituellement rue Saint Honoré à Paris et fut parrain à Morainvilliers le 17 mai 1784. Le 2 janvier 1782, c'est son fils Antoine Felix Gonse qui est à son tour parrain. On cite comme habitant habituellement Bures Jacques Gonse, contrôleur des diligences, décédé le 19 janvier 1788. Un autre membre de la famille, Antoine, est décédé à Bures, le 4 février 1821 âgé de 50ans. Il était inspecteur général des postes... “

            Antoine Félix et Antoine, inspecteur des postes sont probablement un seul et même homme qui aurait acheté les terres de Vernouillet. La proximité de Marsinval et du château de Bures explique l'intérêt des Gonse pour les terres agricoles de Vernouillet.

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Le centre du village sur le cadastre de 1821 En rouge,   les terres vendues à Gonse par les demoiselles Tautest Duplain. En orange, les terres restant leur propriété.

            Il est intéressant à noter que son père, Henri Gonse, résidait à Paris, comme lui. On voit que, dès cette époque, les riches Parisiens achètent des châteaux et domaines campagnards qui ne sont pas leur résidence principale.                                 

  L'acte de vente établi le 28 août 1820 donne des renseignements intéressants sur la répartition des terres dans le village.

                   Ainsi est désignée comme vigne :

                  9,5762 ha à Brézolles

                  1, 8947 ha entre Marsinval et le village

Sont désignées comme terre et vigne:

24,7996 ha au lieu dit La Plaine, actuellement Plaine Ouest, où se situent les Buissons. Dans le cadastre de 1821 au nom de Mme Gonse, les vignes représenteraient 24 a. 75ca, soit 0,2475 ha

Sont désignées comme vignes et arbres fruitiers :

  0, 739 ha à Brézolles

  3, 3961 ha au Buisson sous Marsinval          

 Sont désignés comme arbres fruitiers :

2,3212 ha à Brézolles

0, 78 ha (dont 0,4622 de cerisiers) au Buisson sous Marsinval

0, 5107 ha de jeunes cerisiers au Fond au lièvre à Marsinval

 Est désignés comme "Châtaigneraie"

                  21,0093 ha à Marsinval. Le mot "châtaigneraie" désignant le lieu dit  de la terre nommée, il n'est pas dit que la totalité du lot soit plantée  de châtaigniers.

Sont désignés comme bois et taillis:

                             2, 8446 ha au Buisson sous Marsinval

On remarque que la vigne est principalement cultivée à Brezolles et que les arbres fruitiers se situent  en partie à Brézolles et proncipalnt dans la zone entre Marsinval et le village. Le bas de Vernouillet n'est apparemment pas planté. Certaines mentions dans l'acte parlent de prés.

            Les autres lots sont désignés comme terre sans précision avec mention des bâtiments de la ferme de Marsinval et du Pressoir de Brézolles. Ils représentent 54,87 ha dont 0,638 ha hors Vernouillet (à Médan et Triel rive gauche)

Comme on l'a vu, les nouveaux propriétaires de ces terres ne résidaient pas à Vernouillet mais à Paris ou à Bures. Ils ne se désintéressaient pas pour autant de la vie du village. On note dans les archives de la paroisse qu'en 1824 Madame Gonse fait un don à l'église pour l'achat d'argenterie. On peut supposer qu'elle était souvent au château de Bures où est décédé son mari, et qu'elle allait à la messe à l'église de Vernouillet, plus proche que celle de Morainvilliers  ou celle d'Orgeval.

           Comment  Madame Gonse a-t-elle exploité ses terres ?

                             Un bail de fermage du 13 novembre 1842  est établi à l’étude de maître Bonnet, notaire à Triel entre Madame  Gonse, représentée par son fondé de pouvoir M. Berson et Joseph Bouffard, cultivateur demeurant à Brezolles. Les terrains mentionnés se situent à Chapet.  Elles se composent de :

1a.2ca de terres au lieu dit les deux perches, 27a,45ca de terres et vignes au lieu-dit les seize perches situé entre les deux perches et le terrain de Mme Metayer.

8a, 21 ca de vignes faisant partie du même lot et.situé entre les terres de Mme Metayer et de Denis Napoléon Lesourd.

15a de terres et vignes  au lieu dit les trente-deux perches situé entre les terrain Metayer et Thomas et plantés d’un cerisier

17a, 29ca de terres et vignes faisant partie du même lot au même lieu dit entre les terrains Metayer et Meunier

                            Madame Gonse possédait aussi des terres à Chapet et c’est un cultivateur de Brezolles, Joseph Bouffard qui en assurait l’exploitation.

Le total couvre 69,97 ares situés à Chapet. Le domicile de Madame Gonse mentionné dans l’acte est le château de Bures.

                            Déjà on parle d’expropriation pour la construction de la ligne de chemin de fer. Le tracé traverse les terres de l’Amandier, du Pépin et de la Tournelle. Le passage à niveau est installé en 1848.

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                   Le 28 décembre 1851, par acte enregistré chez maître Jozon, notaire à Paris, Madame Gonse partage ses biens en parts égales, entre ses sept enfants  Elle décède à Paris le1er décembre 1852. Déjà au décès de son mari Antoine Félix Gonse en 1821, un premier partage avait été fait entre elle et leurs sept enfants, seuls héritiers.  Il est précisé que lors de ce partage, l’un des enfants (probablement décédé) était représenté par son fils unique M. Justin de Saint Léger. [3] Le terrain de la Feuilée (Les Buissons) lui a très probablement été attribué, puisque c’est lui qui y a fait construire la villa.

                    À partir de ce moment, le morcellement des parcelles va se développer. Le principal souci des propriétaires terriens était d’acquérir le plus possible de terres pour agrandir leur exploitation suivant les ressources de chacun. On taillait une surface dans les grandes parcelles. Le bornage était effectué par l’instituteur. Celui-ci était effectué de la manière suivante : au fond du trou déstiné  à recevoir la pierre faisant office de borne, on plaçait un « témoin », morceau d’assiette ou tuile cassée. Ainsi, si la borne était déplacée, il restait le témoin.

En1857 les transactions suivantes furent effectuées :

25 ares vente Gonse à Charles Roy au Pépin

15a, vente Gonse à Decaris au Pépin

12,50 a Vente Gonse à Claire Pottier à l’Amandier

12,50 a vente Gonse à Eugène Renaud au Pépin

12,50a vente Gonse à Jean François Verneuil au Pépin

25a vente Gonse à Joseph Churlet (tailleur) au Pépin

En 1858

25a Vente Gonse à Félix Emmanuel au Pépin

32a,30 à Paul Théodore Bouland à La Tournelle

26,59a vente Gonse à Décaris à La Tournelle

12,50a vente Gonse à Louis Aubin, cordonnier au Pépin

50a vente Gonse à Claire Pottier

2a vente Gonse à Alexandre Jourdain à La Tournelle

85,18a vente Gonse à Lepaire Fouché

En 1859 :

25,18a Vente Gonse à Morlet à La Tournelle

17,24a vente à Germain Pottier à L’Amandier

39a vente Gonse à Decaris à l’Amandier. Ce morcellement affecte les terres de l’Amandier, de la Tournelle et du Pépin, c.à.d. les zones traversées par le chemin de fer.

La ferme et le hameau de Marsinval sur le cadastre de 1821

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Le lot le plus intéressant, la ferme de Marsinval, reste entier. Elle appartient à Félix Gonse qui se conduit en petit seigneur. Sa famille qui, on l’a vu,  venait de Bures, ayant perdu  en 1877 un procès à propos d’un accès à une fontaine alors que son neveu, M. de Saint Léger siège au Conseil Municipal, il demande en 1880 l’annexion de Marsinval au hameau de Bures, ce qui provoque protestations et pétitions. La même année, il fait modifier le tracé du chemin de la Tuilerie.

Pour satisfaire ses besoins personnels, il offre à Marsinval une boîte aux lettres. Cette boîte provoque un tollé à Brezolles qui n’en a pas !

En 1898, on trouve un Félix GONSE adjoint au maire de Poissy. S’agit-il du même ?

La ferme de Marsinval tableau de Roger Duffau vers 1960 avant la construction du domaine. La vue n’est guère différente de ce qu’elle était en 1820 lors de la vente de la ferme à Félix Gonse (collection particulière).

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La ferme de Marsinval restera la propriété de la famille Gonse jusqu’en 1972 où elle sera vendue à la Société Breguet qui y construit le Domaine.

L’exploitation en est assurée par des fermiers :

Un certain Laurent GODFROY l’a exploitée pendant très longtemps. On connaît ensuite Lebas, Boudreau et plus récemment Martinot. Pendant la guerre de 1939-45, le colonel Glaizot, gendre de M. Félix Gonse, dans diverses correspondances, se présente comme   le “propriétaire“ de la ferme.  Le dernier fermier exploitant a été Casimir Wicky

À côté des bâtiments de la ferme, une propriété a été construite probablement dans la deuxième moitié du XIXe siècle.  Elle était louée à de riches bourgeois parisiens qui y organisaient des festivités auxquelles participait le « tout Paris ». Les anciens se souviennent de belles toilettes des calèches somptueuses. Les habitants de Marsinval étaient embauchés pour servir et soigner les attelages.

Détail d’une carte de la Seine et Oise figurant dans l’atlas de Tardieu, 1830. On voit que la route principale reliant Paris à Mantes passe par Triel.

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La route principale reliant Poissy à Mantes passait par Triel et Meulan, sur la rive droite. La construction de la ligne de chemin de fer Paris Rouen, en 1843 va d’une certaine façon désenclaver Vernouillet. Jusque-là les routes passaient à l’écart du village. Elle favorise l’urbanisation des villages qu’elle dessert.

Près de la gare des maisons se construisent en face du bâtiment de la station. Un hôtel est construit sur la place de la gare. Les bâtiments existent encore aujourd’hui. À la fin du XIXème siècle, en plus des riches résidences secondaires des Parisiens, se construisent des maisons plus modestes, résidences principales de gens travaillant à Paris et prenant le train chaque matin. Le « pavillon » de banlieue est né.

Le morcellement amorcé continue. Dans son étude sur Vernouillet en 1899, l’instituteur Winckel relève « …La propriété foncière est très divisée à Vernouillet et pour 648 ha on ne compte pas moins de 11.000 parcelles dans 4 sections… »Il est intéressant de relever la répartition des 648ha notés par l’instituteur :

« …les terres et vignes occupent            542,65 ha

Les jardins                                                   6,96

Les objets d’agrément                                1,74

Les prés                                                    15,56

Les bois                                                       2,35

Les friches et vergers                                 2,73

Sol des propriétés bâties                           5,20

Les châtaigneraies                                   36,10

Les peupliers                                           19,03

Eaux                                                            0,10

Chemins, rues et sentiers                       15,58… »

Il faut comparer cet inventaire à celui du plan d’intendance de 1787 cité plus haut.

Dans les conflits familiaux au début du XXe siècle, on n’hésitait pas à diviser les parcelles par le nombre d’héritiers.

Le morcellement  a accompagné la cessation d’activités agricoles au profit de lots à bâtir ou de jardins résidentiels.

La propriété des Buissons a été construite par M.Justin de Saint Léger  qui a hérité du terrain lors du partage GONSE en 1851. Elle est isolée du reste du village, comme la propriété Villa Ombrosa, rue du Bout  Large (rue Girardin). Cette  villa a appartenu  d’abord à M. Labussière  qui possedait toute la rive droite vde la rue Girardin. Elle appartintt enesuite à M. Blachier, propriétaire à Paris, puis à M.et Mme Meunier qui l’ont acquise en 1903, puis à M. Zissel en 1951 avant d’être la propriété de la société Fibrociment en1956.

La propriété construite par M. de Saint-Leger n’avait pas l’aspect actuel. En 1896, après le décès de Justin de Saint-Leger, la propriété est achetée par Gaston Menier le grand chocolatier au nom de Mlle Geneviève PICHARD, danseuse à l’Opéra probablement  sa maîtresse [4]. C’est probablement sous l’impulsion de Menier que la maison sera transformée pour lui donner son aspect actuel. Menier était très attaché au style normand ; en témoignent les villas qu’il a fait construire à Houlgate  en 1899 et à Lamorlaye en 1912 qui sont du pur style normand . En 1936 la propriété est achetée par M. Barbou. Madame Veuve Barbou avait vendu la proprieté en 1972 à un promoteur qui envisageait d’y construire 40 maisons (projet SADEC) . Le promoteur n’ayant pu obtenir le permis de construire malgré les assurances de la Municipalité . a  demandé à la ville de se porter acquéreur à sa place. La vente a eu lieu en 1973.

 De même, le domaine des Sources qui est acquis par M. Auguste  Fastout en 1911 ne sera pas loti avant les années 1960.

Par contre le quartier de la Tournelle s’urbanise. La taille relativement petite des parcelles  vendues en 1858 et 1859 favorise cette évolution. Cette zone entièrement vide sur le cadastre de 1821 va accueillir des vastes propriétés comme la villa Beauchamps, la villa La Tournelle, et la villa  Doucet actuellement à côté du garage du Boulevard de l’Europe. Dans les dernières années du XIXe et les premières du XXe siècle, le morcellement s’accélère. Ainsi des propriétés plus petites se construisent dans la rue des Tournelles (rue Maurice Berteaux) et le chemin de Triel (rue Jean Jaurès). Sur des cartes postales anciennes, cette évolution est visible.

La rue Maurice Berteaux vers 1900. Au premier plan, la voie de chemin de fer. On reconnaît à droite la villa des Sources et au centre la villa Doucet ( près du garage). Les meules montrent que la zone entre la rue et la voie est encore des terre agricole.

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La rue Maurice Berteaux vers 1910. On reconnaît les deux maisons de la vue précédente, mais l’autre côté de la rue est déjà construit. La rue a été élargie en 1905

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Sur cette carte postale postée en 1912 on  reconnaît la villa « Mansart » de la rue Maurice Berteaux La zone agricole se situe au-delà de la voie ferrée

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De même, le long du chemin neuf (route de Triel) qui, conduit à la gare des villas se construisent. On voit sur une carte postale la pancarte d’une agence immobilière avec la mention « location ».

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Carte postale vers 1900 représentant  la route venant de la gare. À gauche, le mur du parc du château. On voit à droite la pancarte « Locations » Au fond, on voit la maison de la propriété Piffard.

Un autre secteur qui s’urbanise à cette époque est la route de Médan (rue Eugène Bourdillon) Sur le cadastre de 1821, seules deux maisons sont mentionnées, mais le secteur est déjà divisé en de nombreuses parcelles

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Carte postée en 1919 montrant les propriétés de  la rue de Médan

En juin 1904, le conseil Municipal décide l’élargissement des rues suivantes, élargissement réalisé en 1905 :

Chemin de Triel (rue Jean Jaurès)

Chemin de la Tournelle (rue Maurice Berteaux)

Chemin du Bout Large (rue Girardin)

Sente de la Plaine

Chemin de Marsinval (rue principale du hameau de Marsinval)

Chemin de la Tuilerie (à Marsinval)

Ces décisions sont motivées par l’urbanisation des quartiers où sont situées ces rues.

Cette évolution du découpage foncier permet de voir l’évolution progressive de Vernouillet du village agricole à la ville de banlieue. Cette mutation s’accompagne  de l’arrivée d’une nouvelle population.

En 1899, l’instituteur Winckel note à propos de la population que « …durant l’été, au moins deux cents Parisiens viennent en villégiature ici… »

Même le château devient en 1859 la « résidence d’été » d’un riche Parisien, M. Charles Lemarchand. Dans le testament de Madame Lemarchand, décédée au château de Vernouillet le 14 septembre 1886, déposé auprès de maître Leroy, notaire à Paris, il est précisé que son domicile est boulevard Malsherbes à Paris, et qu’elle est décédée dans son château de Vernouillet, sa résidence d’été. Madame Lemarchand a été enterrée au cimetière du Père Lachaise. Elle était toutefois attachée à Vernouillet puisqu’elle a participé à  un legs au bureau de Bienfaisance fondé en 1880, et a donné un autre legs de 1000 francs à la Fabrique pour faire lire des messes à sa mémoire. Après le décès de Madame Lemarchand, le château est mis en vente et acquis en 1887 par M.Augustin Hottot, pharmacien qui sera élu maire en 1888.

Les grandes villas sont encore en 1939 des résidences secondaires de Parisiens. Dans une lettre adressée par le maire à la SNCF pour protester contre les mauvais horaires de la ligne Paris-Vernouillet, il est précisé que la population “estivale“ de Vernouillet et de Verneuil est le double de la population normale. En 1940, ces maisons vides sont occupées par l’armée allemande.[5]

La situation de l’agriculture en 1940 nous est donnée par un document  conservé dans les archives municipales. Il s’agit d’un questionnaire envoyé à  tous les maires en septembre 1940 par la Kreiskommandatur allemande . On peut y lire :

                   Vernouillet a 1595 habitants, 37 chevaux et 71 bovins. La population agricole comprenait 74 hommes et 45 femmes au 1er juin 1938, 71 hommes et 47 femmes au 1er juin 1939 et  62 hommes et 47 femmes le 1er juin 1940. La récolte de blé était de 1160 quintaux en 1938,1482 quintaux en 1939 et 1350 en 1940. La production de betteraves était de 1200 quintaux en 1938, 3750 q  en1939 et 1800 q en 1940.La production de fourrages était de 2360 q en 1938, 2400q en 1939 et 2600q en 1940.La surface cultivée est de 190ha de céréales, 30ha de pommes de terre , 25 ha de betteraves fourrages et 23 ha de cultures maraîchères. Il  y a 50 ha de mauvaises terres sans rapport. La surface totale cultivée au 1er juin 1940 est de 588 ha. La superficie totale des forêts et bois est de 64 ha.Les terrains en friche représentent 22 ha. La vigne occupe encore 1ha 50 et 2.500 litres de vin ont été vendus en 1939. 2 exploitations ont une surface supérieure à 50 ha, 19 ont entre 5 et 50 ha et 2 ont moins de 5 ha.

                   On dénombre aussi 389 pruniers, 1355 poiriers, 89 pommiers et 811 cerisiers. Il est précisé que la commune produit plus de 100% de ses besoins en fruits et en pommes de terre, 100% de ses besoins en lait et en fourrage, 95% de ses besoins en froment, 60% de ses besoins en légumes , 30% de ses besoins en œufs, et 0% de ses besoins en beurre, fromage, vin, bière boucherie et charcuterie. Il y a un abattoir en fonction. Un animal par quinzaine était abattu en 1939, le reste de la viande étant approvisionné abattu de La Villette.

À partir 1950, Vernouillet connaîtra une nouvelle révolution foncière avec l’achat par la Caisse des dépôts et consignations du château et de son Parc. C’est l’arrivée en masse des promoteurs et aménageurs qui va transformer la gentille ville résidentielle de banlieue en ville dortoir. Mais l’histoire cette nouvelle mutation sort  du cadre de ce livre.

Lors du remembrement des terres agricoles  effectué à Vernouillet entre 1985 et 1988, l’un des premiers en France, Le géomètre s’est trouvé confronté à un vrai casse-tête :

224 ha à remembrer sur lesquels il y avait 2283 parcelles. !

[1] Dictionnaire topographique des environs de Paris rédigé par Charles Oudiette, seconde édition, Paris, chez l'auteur 1817

[2] M. Napoly a fait un relevé complet des registres de l’état civil de Vernouillet. Ces relevés sont à la bibliothèque municipale.

[3] Justin de Saint Leger était le fils  d’Émilie Gonse épouse d’André Maurice de Saint Leger, Ploytechnicien, ingénieur en chef du Corps des Mines, directeur général des machines à vapeur de la région parisienne. Conseiller général de  de la Seine Inférieure, il a réuni une collection exceptionnelle de minéraux dont la plus grande partie est à l’École des Mines d’Alès. Justin de Saint Leger était compme son père dsiplomé de l’école Polytechnique. Ia été maire de Vernouillet de 1874 à 1880 et de 1884 à 1887.

[4] Ces renseignements nous ont été aimablement communiqués par madame Rolande SIMAR dont les parents étaient les jardiniers de la propriété à cette époque

[5] Voir chapitre consacré à la guerre de 1939-45