Le transport par voie fluviale
Dans son essai sur l’histoire de Vernouillet M. Foulon nous rappelle « que la majorité des transports de marchandises lourdes se faisait par voie fluviale encore fallait-il pouvoir accéder au fleuve. La seule route pavée et roulante pour les charrettes était celle de Meulan à Poissy. Les bateaux remontaient la Seine tirés par des attelages de plus de vingt chevaux, le passage des ponts était confiés à un maître de pont assisté d’une dizaine de mariniers. Dans son histoire de Poissy Narcisse Noël décrit le transport régulier par une solide embarcation pontée avec un mât solide pour le halage. Ce bateau appelé « La Galiote » assurait un service régulier entre Poissy et Rolleboise avec arrêt à Triel, Meulan et Mantes pour les marchandises, les animaux et quelquefois plus de cent personnes. » [1]
Ce mode de transport assure en 1800 la plupart des déplacements de lourdes marchandises et les villes qui disposent d'un accès direct à un cours d'eau se développent naturellement plus favorablement que celles qui en sont privées. Les bateaux sont chargés de toutes sortes de marchandises et de voyageurs, il arrive même qu'en temps de guerre ils deviennent bateau-hôpital. (Extraits des Notes sur Vernouillet d’Albert Labrousse). La motorisation des bateaux n’apparaitra que près d’un siecle plus tard
Le transport par route
Le transport des marchandises se faisaitt par principalement par voie fluviale, et les charettes servaient à amener les marchandises aux bateaux.
Le transport des voyageurs était différent. Si les nobles et riches bourgeois avaient de riches équipages, remplacés plus tard par des automobiles, les transports en commun étaient assurés par la Poste. La route de Paris à Rouen (mentionnée comme telle dans l’atlas de Desnos de 1766) passait sur la rive droite de la Seine, et le relais de poste se situait à Triel. Le chemin de fer va “tuer“ la Malle Poste. Il faudra attendre le début du XXe siècle pour que le transport par camion pour les marchandises et par car pour les voyageurs vienne concurencer le train, soit plus d’un demi-siècle plus tard !
LE CHEMIN DE FER à VERNOUILLET
Commencer à parler de l’Angleterre pour raconter l’arrivée du chemin de fer à Vernouillet pourrait paraître étrange, mais en plus du fait que les Anglais ont été les précurseurs en la matière, il faut reconnaître que le hasard a cette fois bien fait les choses. C’est en effet dans le nord de l’Angleterre, à Yarm, ville jumelée avec Vernouillet depuis 1985, que l’histoire du chemin de fer a commencé.
La première ligne de chemin de fer créée, est la ligne reliant les villes de Stockton à Darlington. Il y avait bien eu un antécédent, le 21 février 1804. L’ingénieur Trithick (1771-1833) construit la première locomotive à vapeur à Coalbrookdale près de Cardiff. Elle emmène un convoi de 6 tonnes sur la ligne Penydanen- Abercynion, Mais c’est à Yarm le 12 février 1820 au “George et Dragon Hôtel“, que le projet du premier véritable train sera rédigé et présenté au Parlement britannique et adopté par lui. ll a été élaboré par une commission présidée par M.Thomas Meynell de Yarm. Un précédent projet avait été rejeté en 1819 par 106 voix contre 93. Il n’avait pas assez tenu compte des inconvénients provoqués aux propriétaires des terrains concernés. Le but était initialement l’acheminement vers la mer du charbon des houillères de Darlington, mais il suscita un tel intérêt dans la population que dès le début, on songea au transport des voyageurs. Une pétition de la population de Yarm en faveur du chemin de fer avait en 1819 recueilli 160 signatures. Aussi lorsque le premier rail a été mis en place le 13 mai 1822, M.Meynell est porté en triomphe dans les rues de Stockton en liesse. John Wilford qui rapporte ces faits dans son histoire de Yarm, raconte “…Never, since it received the news of the victory of Waterloo had Stockton been so jubilant… “ (Jamais Stockton n’a connu une telle liesse depuis l’annonce de la victoire de Waterloo). La ligne a été inaugurée officiellement le 27 septembre 1825. La locomotive était conduite par son constructeur George Stephenson, considéré comme l’inventeur de la locomotive à vapeur moderne. Derrière la locomotive le tender contenant de l’eau et du charbon, puis trois wagons chargés de charbon et de farine. En quatrième position un wagon de voyageurs où avaient pris place le comité et autres personnalités, puis 21 wagons aménagés pour le transport des voyageurs et enfin 6 wagons de charbon. Le train avec ses 450 voyageurs et les marchandises pesait environ 90 tonnes. Il atteint Darlington en 65 minutes à la vitesse moyenne de 12 miles/heure soit environ 20km/h.[2]
En France, la première locomotive fut construite par Marc Seguin neveu de Joseph Montgolfier et destinée à la ligne Lyon-Saint Etienne. Mais la première ligne est inaugurée en 1832 entre Andrezieux et Roanne. Le convoi est composé de six wagons tirés par une locomotive Stephenson emmenant 150 personnes. Il parcourt les 16 Km en 30 minutes. La ligne Andrezieux-St Etienne avait été inaugurée le 10 octobre 1828. Mais il ne s’agissait que d’un train de marchandises tiré par des chevaux.
En 1835 le gouvernement français soumet à la chambre des députés deux projets de loi : l’un pour le chemin de fer de Paris à Rouen (la mer) et l’autre, la ligne Paris-Saint-Germain.
La conception du réseau ferré français en étoile rayonnant autour de Paris est due à un haut fonctionnaire de Louis-Philippe, Legrand. C’est lui qui accorde en 1835 à Émile Pereire, la concession du premier chemin de fer aboutissant à Paris, la ligne de Saint Germain ouverte jusqu’au Pecq en 1837. [3] Contrairement à ce qui s’était passé en Angleterre lors de la création de la ligne Stockton Darlington, en France, le chemin de fer est loin de soulever l’enthousiasme des populations. Parmi les nombreux détracteurs, on trouve des personnalités éminentes comme Thiers, des savants comme Arago qui prétendaient que les passagers ne supporteraient pas la vitesse et le passage dans les tunnels. D’autres craignent la concurrence avec les autres moyens de transport, la route et plus particulièrement dans notre région la batellerie de la Seine. Dans l’attente de la loi sur “l’expropriation d’intérêt public “ c’est le promoteur de la ligne qui négocie directement l’achat des terrains, ce qui encourage des exigences parfois abusives qui augmentent le coût et ralentissent les travaux.
Le 26 août 1837 est inaugurée par la Reine Amélie, le baron Rothschild, Émile Pereire et 600 invités, la ligne de Paris à Saint –Germain, en réalité au Pecq. La gare parisienne se trouvait près de la place de l’Europe.
Gravure figurant dans l’Atlas de l’Histoire de Paris de Dulaure vers 1845
Le 16 mai 1841, le Conseil Municipal de Vernouillet délibère sur le tracé définitif envoyé par le Préfet avec un procès-verbal destinée à recueillir les déclarations des intéressés.
“…L’objet de la convocation de ce jour est de délibérer sur le tracé définitif du chemin de fer de Paris à Rouen sur le territoire de la commune de Vernouillet… “. Le conseil est d’accord avec le plan cadastré proposé, mais “ s’oppose autant qu’il se peut à l’interdiction du chemin de la rue de Triel, attendu que ce chemin dont l’origine remonte à la plus haute antiquité (sic !) est de la plus grande utilité pour les habitants pour arriver à leurs propriétés et que le chemin latéral (aux voies) que se propose de faire la compagnie du chemin de fer n’offrirait pas les mêmes avantages. De plus sur le plan cadastral il n’est plus fait mention de deux sentes, l’une la sente de la vallée Goujon qui sépare Vernouillet de Médan et celle de la Haie Saint-Marc[4] qui sépare Vernouillet de Verneuil lesquelles sont de la plus grande utilité. “
Protestation de M. Gonse[5], représenté par son chargé d’affaire, M. Berson[6], dans une lettre datée du 7 juin 1841. M. Gonse est propriétaire de 63 hectares que le “railway“ coupe sur une longueur de 1000 mètres. Il insiste pour que la rue de Triel ne soit pas coupée.
Le passage de la rue de Triel (carte postale ca 1900)
En 1842, nouvelle délibération concernant le chemin de fer :
Le maire se rend à Versailles pour faire entendre les réclamations de Vernouillet à la Compagnie du Chemin de Fer devant un jury réuni pour examiner toutes les réclamations des communes. « …Le jury accorde à Vernouillet de conserver ledit chemin de la rue de Triel qu’à la condition que la commune se chargerait de l’extraction des terres pour établir une voûte au-dessous du chemin de fer qui maintiendrait la circulation »
C’est donc grâce à l’obstination de nos élus de l’époque que l’on peut de nos jours emprunter la rue Jean Jaurès dans toute sa longueur.
La construction de la ligne est confiée à un spécialiste qui a fait ses preuves dans maints pays, l’Anglais Brassey qui fit venir 5000 de ses compatriotes. À noter que des militaires participent aux travaux, mais ne travaillent que 8 heures par jour, moins payés que les civils, ils recevaient par jour 1fr,25 en hiver et 1fr,30 en été. En prime, à 10 heures, ils avaient droit à un verre d’eau de vie. Tous les travaux étaient faits à la main en tenant compte des droitiers et des gauchers. Ils logeaient dans des baraquements, la nourriture était fournie par la compagnie. Il n’était pas question de les loger dans le village dont l’accès leur était interdit par les gendarmes. Renommés braillards et gueulards, consommant une forte dose d’alcool, les bagarres entre eux étaient fréquentes surtout entre les différents corps de métier et d’origine, par contre ils étaient tous unis contre les étrangers à la ligne, le signe de ralliement étant « à moi la ligne »[7]
Détail de l’emprise soumise au Conseil municipal en 1841 (archives départementales)
.
En 1842, le conseil municipal donne un avis favorable pour que “La Compagnie du Chemin de Fer établisse une station, pour l’embarquement et le débarquement des voyageurs et des marchandises sur le territoire de Vernouillet... “ La gare est crée.
La ligne Paris –Rouen est ouverte en mai 1843, deux ans avant la date prévu.
Le train inaugural est composé de 18 wagons totalisant une longueur de 150mètres qui entre en gare de Triel[8] vers 9h.30. C’est le “train des Princes“ où ont pris place Le Duc de Nemours, fils de Louis-Philippe, le Duc de Montpensier, MM.Rebuteau, Teste, Duchatel et de nombreuses autres personnalités qui reçoivent les acclamations du public nombreux et la bénédiction du curé, l’abbé Flamman [9].
La gare portait le nom de Triel pour diverses raisons. D’abord Triel était l’agglomération la plus importante. D’autre part la route principale de Poissy à Mantes passait par la rive droite, par Triel où se situait le relais de poste.
Moins de 4 ans plus tard, la ligne est prolongée jusqu’au Havre.
Tracé de la ligne (extrait du livre de Marie Claire Tihon, “Verneuil, une grande histoire“). La ligne de Saint Germain et celle de Rouen ont au départ un tracé commun jusqu’à La Garenne Bezons et cela a duré jusqu’au 1er octobre 1972 où l’exploitation de la ligne de Saint Germain a été confiée à la RATP (RER A, Auber-Saint Germain-en-Laye)
L’horaire appliqué à partir de 1847 sur la ligne Paris-Le Havre indique que chaque jour 10 trains, cinq dans chaque sens, s’arrêtaient à Vernouillet. Le trajet Paris –Vernouillet s’effectuait en 1 heure et 1 minute.[10]
. Des correspondances par omnibus à cheval furent établies pour desservir les communes éloignées de la gare de “Triel“ (celle de Vernouillet). Une correspondance était assurée pour Vaux, en passant par Triel. La décision prise le 3 juillet 1836 par la Commune de Triel de construire un pont a été probablement motivée par la création de la ligne dont le projet était connu.
Le prix des places (Paris –Les Mureaux) était de 4 francs en 1e classe, 2,80 fr. en 2e classe et 2,10 fr. en 3ème classe.
Que représentait le prix du train ? À titre de comparaisons nous donnons les des véhicules de transport en commun de Paris à la même époque. Ainsi le trajet Paris–Les Mureaux en 3è classe coûte 7 fois le prix d’un billet de transport en commun parisien dont on peut comparer le prix à celui de l’actuel ticket de métro. En 2007 le ticket de métro coûte à l’unité 1,40€ ou 1,09 € par carnet de 10, le trajet ¨Paris St Lazare- Vernouillet (comprenant un trajet en métro) coûte 5,55€ à l’unité et 4,44€ par carnets de 10. L’utilisation de la carte orange permet aux voyageurs réguliers de bénéficier de tarifs réduits plus avantageux.
Extrait d’un atlas de Paris publié vers 1845
Dès l’ouverture de la ligne, la municipalité est amenée à intervenir auprès de la Compagnie du Chemin de fer de l’Ouest pour faire respecter les engagements concernant la rue de Triel. Ainsi en 1843 :
Vernouillet demande à la Compagnie des Chemins de Fer que le chemin latéral soit empierré « il est de la plus grande utilité, attendu que la rue de Triel arrive dans le centre du village et que la voûte sous le chemin de fer ne permet pas d’y passer des voitures chargées. En outre le chemin latéral qui part du chemin dit du moulin à bateaux en longeant le chemin de fer jusqu’à Médan est très fréquenté pour arriver à la laverie des Abîmes
En 1846, le conseil municipal accepte “la somme de 1800 francs offerte par la Compagnie du Chemin de Fer pour assurer l’empierrement du chemin latéral conduisant au lavoir de l’Abîme“.
En 1848 on note dans les délibérations du Conseil :
Lettre du commissaire du gouvernement pour informer la commune “…du rejet d’une demande formulée par la presque totalité des habitants tendant au remplacement par un passage à niveau du passage souterrain qui existe sous le chemin de fer au lieu dit la rue de Triel …“. Le maire rappelle alors que c’est sur l’insistance de la commune que la circulation par la rue de Triel n’est pas interrompue par le chemin de fer, qu’un jury s’est prononcé pour l’ouverture d’une voûte sous les voies. Il fait aussi remarquer que «… d’après les plans et projets produits lors des enquêtes le chemin de fer devait traverser la Plaine de Vernouillet sur un remblai d’un mètre de haut tandis qu’il a été établi au niveau de la Plaine...» La demande nouvelle de Vernouillet est justifiée par le fait que les charrettes chargées ne peuvent passer dessous et que par grosses pluies ou débordements le passage est dangereux puisque « le sieur Denis Tréheux a failli y périr, l’eau pouvant monter jusqu’à un mètre trente », mais considérant que » lors de la visite des lieux avec l’ingénieur de l’Etat et sur ses observations la commune par l’organe de son maire à réduit la demande à l’obtention d’un tourniquet permanent ou à l’établissement d’un passage à niveau pour piétons seulement, le conseil prie le commissaire du gouvernement d’accéder à cette nouvelle demande “
On le voit, les habitants du village, agriculteurs pour la plupart, ne voient à l’origine que les inconvénients du chemin de fer. Des parcelles ont été coupées par la ligne et l’acheminement des produits vers la route Paris Mantes qui passait à Triel est perturbé. Plus tard, ils feront appel à ce moyen de transport rapide pour acheminer leurs produits vers les marchés. Mais la compagnie ne le favorise pas. Les agriculteurs de Verneuil voient eux aussi que des inconvénients : La gare “ tout juste une petite gare de type standard construite à l’extrême bout de la commune, sans cours de stationnement, sans voie d’accès commode pour les voyageurs, sans hall ni grue pour les marchandises…“ Il faut batailler longtemps pour obtenir de tels aménagements[11].
La ligne sert principalement au transport de villégiature. C’est l’époque où les riches Parisiens louent, construisent ou achètent des maisons pour faire “prendre le bon air“ à leur famille.
Au cours du Second Empire, la révolution industrielle entraîne une migration des populations vers Paris et un développement de la banlieue. Cela donne une nouvelle vocation au chemin de fer : Le train de banlieue. À Paris, l’embarcadère de l’Ouest occupe déjà en 1858 un e emprise proche de celle de la gare Saint Lazare actuelle
Extrait du plan de Paris par Girard 1858. On voit que la rue de Rome est tracée à l’état de projet dans le cadre des travaux d’Haussmann
Le 7 août 1855, la Compagnie du chemin de fer de Paris à Rouen est absorbée par la Compagnie de l’Ouest qui gère toutes les lignes au départ de la Gare Saint Lazare..
Il y a maintenant des trains express ou spéciaux entre Paris et Rouen qui ne s’arrêtent pas avant Mantes. Ces trains-là sont chauffés dans les 3 classes alors que les omnibus ne le sont qu’en1ère classe. En 1880, le maire de Verneuil intervient pour obtenir que des chaufferettes soient installées en 2è et 3è classe. La même demande est faite par la mairie de Vernouillet lors du conseil du 20 novembre 1880 :
“.. considérant que la durée du voyage de Vernouillet à Paris est d’environ une heure, celle de Vernouillet à Mantes de trois quarts d’heure, le Conseil à l’unanimité demande à la Compagnie des Chemins de Fer de l’Ouest que les wagons de deuxième et troisième classe soient chauffés pendant la période d’hiver…“ En janvier 1886, le Conseil Municipal de Vernouillet constate que le train partant de Mantes à 3h. 28 s’arrête à Meulan (territoire des Mureaux) à 3h.51, puis à Poissy à 4h.12, puis toutes les gares et arrive à Paris à 5h. Il demande qu’il s’arrête aussi à la gare de Triel (celle de Vernouillet) ce qui intéresserait les commerçants allant aux Halles.
Le réseau de banlieue s’étend. Sur la carte ci-après on voit que le nombre de voies ferrées de la banlieue s’est développé de manière considérable
Carte du réseau de banlieue paru dans le guide Baedecker de 1888. Les traits noirs correspondent aux lignes de chemin de fer
Le 5 juin 1892 est inauguré une nouvelle liaison entre Paris et Mantes sur la rive droite de la Seine, passant par Conflans et Triel. L’existence d’une nouvelle gare sur cette ligne à Triel même, entraîne le changement de nom de la gare qui devait s ‘appeler “Vernouillet “. Ci-après les correspondances à ce sujet :
“Compagnie de l’Ouest . 7 avril 1892
Monsieur le Maire,
Conformément au désir que vous avez bien voulu m’exprimer, par votre lettre du 24 mars dernier, j’ai l’honneur de vous adresser ci-joint un extrait de la décision ministérielle du 5 août 1891, statuant sur les propositions présentées par notre compagnie, pour la modification des stations ayant le même nom sur les lignes de Paris à Rouen, de Conflans à Pontoise et d’Argenteuil à Mantes. Veuillez agréer, Monsieur le Maire l’assurance de ma haute considération.
Le Directeur de la Compagnie, signé Marin
Texte de la pièce jointe :
“Ministère des travaux publics… …..La station actuelle de Triel est assise sur les territoires de Vernouillet (758 habitants) et de Verneuil (658 habitants), mais le bâtiment de la station et les quais de voyageurs sont sur la commune de Vernouillet qui est d’ailleurs la plus peuplée. La Compagnie propose d’adopter pour cette station la dénomination de VERNOUILLET, ce qui donnerait satisfaction à un vœu émis par le Conseil Municipal de la Commune…“[12]
Cette décision est mal perçue par Verneuil. Le 5 août 1891, le Ministère avait écrit au Préfet pour justifier son choix, la lettre suivante :
“Paris, le 5 août 1891
Monsieur le Préfet,
M. le Maire de Verneuil a demandé à la compagnie d’ajouter à cette nouvelle dénomination le nom de sa commune ; mais la compagnie fait remarquer qu’il existe déjà sur la ligne de Paris à Granville une station du nom de Verneuil[13] ; elle ne croit pas donc pouvoir s’associer à cette demande.
Après avoir consulté le Conseil général des Ponts et Chaussées, et conformément à son avis, j’ai approuvé les propositions de la compagnie par une décision en date de ce jour que je notifie directement au service du Contrôle de la Compagnie.
Recevez….
Signé Le Ministre des travaux publics
Pour le ministre et par autorisation, le conseiller d’État, Directeur des chemins de fer. Signé Gay“
Le Conseil Municipal de Verneuil réuni le 13 mars 1892 exprime les arguments suivants pour que la station porte les deux noms : les deux communes se valent, égales en population et en habitations de plaisance et fournissent le même contingent de voyageurs. La gare unique est à égale distance du centre des communes et est placée à cheval sur leur territoire. Le bâtiment des voyageurs est situé à Vernouillet, celui des marchandises, à Verneuil.
Finalement les autorités compétentes cèdent à la demande de Verneuil et le 21 septembre 1894, la station reçoit le nom de “Vernouillet-Verneuil“ qu’elle porte encore aujourd’hui.
En cette fin de siècle, les horaires ne sont pas vraiment adaptés au service de la banlieue. Il n’y a que 5 trains dont le premier quitte Vernouillet à 10h.08, le dernier à 21h.50 et aucun train entre 13h et 19 h.À titre de comparaison, en 1888, Saint Germain en Laye est desservi par 25 liaisons dans chaque sens : le premier train part de Paris Saint Lazare à 7h .35, le dernier à minuit 35. Au départ de Saint-Germain, le premier train part à 8h.55 et le dernier à 23 h. 02 en semaine et à 0H.05 les dimanches et jours fériés. La durée du trajet suivant les trains, varie de 35 à 50 minutes. Le prix du billet est de 1,65 fr. ou 1,35 fr. Une correspondance vers Poissy est assurée par le train de la grande ceinture.[14]
Le matériel s’adapte aux besoins de la banlieue. Ainsi apparaissent les wagons à “impériale“ inspirés des omnibus. L’utilisation de ces nouveaux wagons entraîne certaines modifications des structures pour permettre le passage des trains sous les ponts.
Gravure figurant dans l’ouvrage de C.A.OPPERMANN
“Visite d’un ingénieur à l’exposition universelle de 1867“
La voiture se compose :
1. d’une caisse inférieure à 4 compartiments dont 1 de 3ème classe, un de 2ème et 2 coupés de 1ère.
2. d’une caisse supérieure ou impériale, fermée, affectée aux places de 3ème classe avec un couloir au milieu, et accessible à chaque extrémité par un double escalier.
Ce type de wagon conçu pour les chemins de fer départementaux et de banlieue était déjà en service sur le réseau de l’Est, l’année de l’exposition (1867)…
En février 1894, M. le Maire de Vernouillet expose au Conseil municipal que la Compagnie de l’Ouest projette de remplacer la voûte en pierre du pont de la gare sur le chemin de grande communication N°2 par un tablier métallique posé sur les anciennes piles ; cela en vue de gagner une certaine hauteur pour le passage des voitures à impériales. Toutefois, la hauteur ainsi obtenue serait insuffisante et il faut surélever de 0,50 mètre les anciennes piles pour assurer la libre circulation de ces voitures.
Le Maire ajoute que ce projet a causé un vif émoi parmi les agriculteurs de la contrée qui éprouvent déjà des difficultés à gravir les rampes actuelles avec leurs voitures chargées lorsqu’ils se rendent à la gare pour livrer et retirer leurs marchandises. Il leur a promis de prendre leur cause en main et de porter leurs doléances en haut lieu. Le conseil municipal estime que la meilleure satisfaction qui pourrait être donnée aux agriculteurs consisterait à supprimer le pont de pierre et de le remplacer par un passage à niveau. Cette solution n’a pas été retenue.
L’affaire est traitée à nouveau en Conseil Municipal du 14 juillet 1900
La Compagnie du Chemin de fer de l’Ouest présente un projet de réfection de la voûte du pont de la gare et son remplacement par un tablier métallique. Le conseil émet des réserves : Cette transformation élèvera la hauteur du GC N°2[15] passant au-dessus du chemin de fer et dont la pente est déjà forte.
Conseil municipal du 22 janvier 1901
“Le Conseil prie M. le Préfet de soumettre la présente délibération au bienveillant examen de M.le Ministre des travaux publics afin d’obtenir de lui que la rampe projetée du chemin N°2 soit prolongée de manière à n’atteindre que les 0,044m de pente moyenne qui existe actuellement ... comme cette rampe doit être gravie par tous les attelages qui portent à la gare les produits à expédier, il est très important que cette pente ne soit pas aggravée. Telle qu ‘elle existe, ses changements de pente soulagent les chevaux au fur et à mesure de la montée tandis qu’une rampe unique et plus forte augmenterait les difficultés de la montée…“
Il semble que la commune de Vernouillet se soit heurtée à une fin de non-recevoir. Pendant les travaux, un passage à niveau provisoire est aménagé. Pour manifester son mécontentement, le conseil municipal, dans sa séance du 18 août refuse de voter une participation de 1000 francs destinée à financer les murs de soutènement à partir des culées du pont.
Conseil municipal du17 mai 1901 :
“…Trottoirs du Pont de chemin de fer
Propositions
1. Élargir les trottoirs aux dépens de la chaussée
2. Élargir les trottoirs au moyen de consoles en encorbellement sur les poutres de rive du pont.
Cette dernière solution entraînerait une dépense de 1.500f que la compagnie de l’Ouest ne voudrait pas prendre totalement à sa charge, mais qui pourrait être couvertes en partie par la commune, par le département et par la compagnie.
Le Conseil, considérant que la chaussée actuelle n’a que 4 m et doit être portée à 4,50m estime qu’une largeur de 4,10m serait suffisante attendu que les véhicules, en raison des rampes qu’ils viennent de franchir, traversent le pont à une allure très modérée et que le croisement est ainsi facilité. On pourrait de la sorte élargir les trottoirs de 0,20m à chaque côté ce qui porterait leur largeur à 0,90m….“
Les relations tendues entre la municipalité de Vernouillet et la Compagnie de l’Ouest ne s’arrêtent pas là. D’autres sujets de litiges apparaissent.
Les horaires restent néanmoins toujours peu adaptés aux besoins du trafic de la banlieue.
En 1902, le conseil Municipal de Verneuil, au nom “des nombreux employés de commerce et négociants qui habitent la région“ demande un train qui arrive à Paris à 7h.30 car celui de 7h.55 est trop tard et celui de 5h.15 trop tôt.
Conseil Municipal de Vernouillet, Août 1906 :
“ Chemin pavé de la gare
Le Maire fait observer que la Compagnie de l’Ouest n’a pu répondre à la demande d’amélioration du chemin pavé de la gare faite par le Conseil du 18 février. Le conseil prie l’administration d’intervenir auprès de la compagnie de l’Ouest pour obtenir une solution…“
En 1908, la compagnie de l’Ouest devient propriété de l’Etat, sur l’intervention de M. Maurice Berteaux, député de la Circonscription, très intéressé par les questions concernant le chemin de fer, et devient le réseau de l’ETAT à partir du 1er février 1909. Mais les problèmes subsistent.
En 1909, le Conseil Municipal de Vernouillet demande des améliorations à la gare :
“…Considérant que la gare de Vernouillet-Verneuil n’a pas de cour à l’arrivée des voyageurs venant de Paris ;
Que les voitures attendant les dits voyageurs sont obligés de stationner sur la voûte, ce qui pourrait occasionner des accidents à cause de la circulation intense en cet endroit,
Qu’il était facile à la compagnie de l’Ouest Etat de remblayer l’ancien trou à sable qui lui appartient et d’en faire une cour
Que la commune de Vernouillet possède près de ce trou et le long de la chaussée du chemin de grande communication N°2 un terrain dont elle est disposée d’abandonner une partie pour permettre l’arrivée à la cour projetée,
Que dans ces conditions, la commune de Verneuil, intéressée à la réalisation de ce projet, consentirait probablement à fournir le terrain nécessaire pour aboutir au chemin de Gde communication et assurer la sortie.
D’un autre côté, notre gare ne possédant pas de hall pour abriter les marchandises qui, tant à l’arrivée qu’au départ, restent sur les quais, exposées à toutes les intempéries et gênent la circulation ;
Le Conseil émet le vœu que M.le Ministre des Travaux publics veuille bien tenir compte des observations qui précèdent, fasse étudier les moyens de faire cesser les inconvénients signalés et doter la gare d’une grue et d’un quai bas…“
Le tarif pratiqué en 1909 paraît abusif aux habitants : Il est établi avec un minimum de 0,30f par billet pour toute distance inférieure à 6km, alors que le prix du kilomètre est de 0,04928f. Qui en souffre en 1909 ? Des ouvriers se rendant à leur travail ; des ménagères et des cultivateurs allant au marché de la ville voisine.Dans une délibération du Conseil Municipal, le maire fait état d’une lettre du maire de Chanteloup “…relative au tarif des transports des voyageurs sur les lignes des chemins de fer de l’Ouest“. Le Conseil après examen de la question émet le vœu que “ le ministre des travaux publics étende à tout le réseau de l’État le tarif des transport de voyageurs basé sur la distance réellement parcourue sans minimum…“.
En1911, nouvelle requête concernant les horaires.
Le maire fait part au conseil d’une lettre qu’il a adressé à ses collègues de Verneuil, Médan et Villennes concernant “... les modifications à apporter à l’horaire du train n° 100 partant de Vernouillet vers 7 heures et à la demande de faire partir les trains qui ont leur tête de ligne à Poissy notamment le 406 et d’y faire arriver les trains descendants qui ont leur terminus à Poissy comme le 447. Le Conseil ; considérant qu’il n’y a pas de trains partant de Vernouillet pour arriver à Paris à 8 heures du matin, que le train actuel qui arrive à 8h10 est trop tardif pour les personnes que leur emploi y appelle à 8 heures et aussi pour les élèves notamment de l’école commerciale avenue Trudaine, du collège Chaptal et de l’école Jean-Baptiste Say. Qu’aucun train ne part de Paris le soir entre 10h07 et 12h45[16] ni de Vernouillet entre 5h21 et 7h45, que les habitants de Vernouillet, Verneuil, Médan et Villennes se trouvent ainsi privés de moyens de communication à des heures ou ce serait utile ; émet le vœu que l’administration des Chemins de Fer de l’État :
- place le train n° 100 de telle sorte qu’il soit à Paris quelques minutes avant 8 heures
- fasse partir de Vernouillet les trains qui ont leur tête de ligne à Poissy, ce qui devient possible avec la nouvelle gare
- fasse venir à Vernouillet les trains descendants qui ont leur terminus à Poissy “
Le 7 janvier 1912, l’ingénieur en chef des Chemins de Fer fera savoir qu’il a été donné satisfaction à la demande de Vernouillet concernant le train 100 mais que le choix de Vernouillet comme terminus n’est pas justifié par l’importance de la gare et de son trafic de voyageurs.
– Conseil municipal du 5 février 1912. L’emprise au sol nécessaire aux voies du chemin de fer s’élargit :
Le maire fait part au conseil que par lettre du 28 janvier 1911, il a été avisé par le chef de section des Chemins de Fer de l’Etat, «… d’un projet de déplacement de la sente n° 23 dite de la Haie Saint Marc à titre provisoire pour 5 ans maximum dans le but d’établir ou d’installer deux voies de service parallèlement à la gare de Vernouillet coté de la Seine… ». Le 31 janvier le maire et la commission de chemins se sont rendus sur place ou ils ont discuté le déplacement avec le chef de section, “… il y a été convenu sauf désapprobation par le conseil, que la Compagnie en remplacement du chemin supprimé donnerait à la commune un passage de 6 mètres le long de la propriété Jacques. Ce passage continuerait parallèlement aux voies projetées par un autre passage de 4 mètres allant retrouver la sente de la haie Saint Marc, le tout conformément au croquis annexé à cette délibération “ (malheureusement introuvable aujourd’hui). Cette proposition est acceptée par le Conseil.
Le 5 novembre le rapport de l’ingénieur en chef de l’Etat indique que la question du chemin à la Haie Saint Marc est résolue et que l‘établissement d’une cour à voyageurs est subordonnée à la remise de terrains par la commune de Verneuil.
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Au début du XXe siècle le nombre de personnes travaillant à Paris et habitant la banlieue est estimé à environ 100.000. Il passe à 200.000 à la veille de la guerre de 1914-1918. Mais les lignes de Mantes par Poissy et Mantes par Conflans étaient considérées comme faisant partie du réseau “grandes lignes“ voire au mieux “grande banlieue“ ne nécessitant pas une desserte aussi intense.
Cette prise de position de la compagnie explique les litiges avec les Municipalités de Verneuil et Vernouillet qui réclament des horaires et des conditions adaptées à une population de banlieue.
Le 5 mai 1913 le Conseil Municipal donne lecture d’une lettre du syndicat des ouvriers du bâtiment de Triel et Meulan“ …demandant que des cartes d’abonnement ouvrières hebdomadaires soient délivrées pour toutes les stations au-delà de Conflans et de Poissy… “ Reprenant sa délibération du 2 juillet 1912 le Conseil demande la délivrance de ces cartes aux employés et ouvriers des deux sexes au delà de Poissy et Conflans sur les lignes Paris-Mantes.
En 1912 la Compagnie prévoit d’augmenter les voies.
M. le maire explique qu’il a reçu le 6 décembre un plan relatif au quadruplement des voies et une lettre demandant son avis concernant la modification de certains chemins. Le 11 il a répondu à M. l’ingénieur en chef.
« 1- le chemin latéral déplacé devra avoir une largeur de 6 mètres depuis Médan et sera empierré par la Compagnie
2- la largeur du passage à niveau ne devra pas être inférieure à 8 mètres qui est celle du chemin n° 7
3 - le chemin rural n° 1 dit des Pinsons ou rue de Triel (rue Jean Jaurès) a une largeur de 8 mètres depuis le viaduc jusqu’à Triel, ce viaduc (passage souterrain) devra donc avoir une largeur de 8 mètres, la hauteur de passage devra être au moins égale ou mieux augmentée
4- l’entretien de la chaussée demeure à charge de la commune »
En 1914, la gare est un centre de regroupement pour le départ des troupes, à en juger par une carte envoyée par un soldat [17]
Ce regroupement de matériel militaire se fait dans la gare de triage.
Le Conseil espère qu’il sera possible « de concilier les intérêts de la défense nationale avec ceux du public en créant un nouveau train de Mantes à Paris pour y arriver vers 7h.1/2. »
Cette carte de la gare a été envoyée par un soldat en 1914. Il indique la gare comme étant son adresse postale
Le 20 juin 1915, nouvelle demande concernant les horaires des trains
Le Conseil s’associe à la demande de la commune de Verneuil “… qui exprime le vœu que le train partant de Paris St Lazare à 18h13 pour Poissy ou il arrive à 19h soit prolongé jusqu’aux Mureaux en s’arrêtant à Villennes, et à Vernouillet-Verneuil… “
Le 1er août 1915, une délibération du Conseil Municipal confirme la présence d’un cantonnement de militaires à Vernouillet :
Le maire donne connaissance au Conseil des pourparlers qu’il a eu avec le commandant du 3ème bataillon du 286ème régiment de l’infanterie territoriale au sujet de la fourniture de bois aux soldats cantonnés dans la commune.
Prix des fournitures pour les troupes :
Bois dur 4f les 100kg
Paille de blé 30f les 100 bottes de 5kg en bonne qualité
Paille de seigle 25f les 100 bottes de 5 kg en bonne qualité
Paille de d’avoine 22f les 100 bottes de 5 kg en bonne qualité
Cette même année 1915 la gare de triage est crée comme mentionné dans la délibération du Conseil municipal du14 septembre :
“…Le maire donne lecture d’une circulaire de M. le Préfet relative à l’établissement d’une gare de triage de secours à la gare de Vernouillet-Verneuil et au quadruplement des voies de la ligne Paris-Rouen et invite la commune à donner une liste de 3 noms sur laquelle le juge commissaire désignera un expert…“
Après la guerre, la gare de Vernouillet-Verneuil n’est plus qu’une gare sur la ligne de banlieue reliant Paris à Mantes. Depuis plusieurs années déjà les train Paris-Rouen ne s’arrêtent plus à Vernouillet. Des demandes subsistent concernant les horaires et les commodités d’accès au train. Ainsi, dans la séance du Conseil Municipal du 9 janvier 1921 on note :
Le Conseil demande “… que le train n° 263 partant de Paris à minuit trente et s’arrêtant à Poissy continue son trajet vers Mantes en desservant toutes les stations intermédiaires entre ces deux villes et inversement demande que le train n° 260 qui part de Poissy ait sa tête de ligne à Mantes et desserve toutes les stations entre Mantes et Poissy… »
Aménagements de la sortie de la gare
Lettre du sous-chef de section du 3ème district des Chemins de Fer
“ Suite à la demande que vous avez adressée à M. le Ministre des Travaux Publics tendant au remplacement de la sortie actuelle de la gare de Verneuil-Vernouillet par une sortie accessibles aux voitures, j’ai l’honneur de vous informer que nous avons établi un projet ne comportant que les travaux à exécuter sur les terrains appartenant au Réseau, ce projet s’élève à la somme de 13.400 francs. Nous vous serions reconnaissant de bien vouloir nous faire connaître dans quelle proportion vous consentiriez à prendre en charge cette dépense. “ Le Conseil, après avoir entendu le maire demande à pouvoir disposer de plans pour pouvoir se décider.
Le train est déjà le train de banlieue. La municipalité s’inquiète des conditions de transport et souhaite l’extension à Vernouillet des cartes hebdomadaires de transport. Dans sa séance du 19 novembre 1922, le Conseil émet le vœu « …que l’usage de la carte hebdomadaire à tarif ouvrier soit mis en vigueur dans le plus bref délai pour le trajet de Vernouillet à Paris aller et retour…“
Ce texte confirme la présence à Vernouillet d’une population ouvrière prenant le train pour se rendre au travail. On retrouve dans les délibérations du conseil municipal du 21 octobre 1923 une demande d’extension de la zone couverte par la carte hebdomadaire :
Le Conseil considérant “… qu’il existe des cartes d’abonnement à la semaine de Achères à Vernouillet et des Mureaux à Vernouillet demande qu’elles soient aussi délivrées dans le sens Vernouilet-Achères, Vernouillet-Les Mureaux et aussi Vernouillet à Villennes sur Seine… ».
Le souci d’améliorer les horaires apparaît à nouveau dans une délibération du Conseil du 17 février 1924 :
“… Le Conseil étant donné le nombre très important des voyageurs qui dimanches et fêtes prennent le train n° 160 (dernier train) émet le vœu que l’état veuille bien prolonger en été la marche du train 1283 jusqu’aux Mureaux et du train 1293 pour retourner à Paris. Le passage du dernier train à 21h43 à Vernouillet n’est pas assez tardif pour la commodité du commerce et des voyageurs qui s’en retournent après le repas du soir, ce qui cause un encombrement sérieux qui n’existerait pas si un train plus tardif venait scinder le nombre des derniers voyageurs… “
Le 1er janvier 1938 est créé la SNCF qui englobe toutes les compagnies de chemin de fer de France.
En 1939, la municipalité proteste contre les changements d’horaires des trains appliqués par la SNCF à partir du 15 mai.
“…Considérant que les nombreuses suppressions de trains, les allongements de la durée du parcours, les changements à effectuer en gare d’Achères sur des quais découverts, soumis à toutes les intempéries, la multiplicité des horaires pour un même train 1 pour la semaine, du lundi au vendredi, 1 le dimanche (voir train de 12h.55, 15h.09 etc…) apportent une gène considérable aux voyageurs qui, notamment, depuis la création de la ligne se rendaient directement à Paris,
Considérant qu’il eut paru plus logique en raison des nombreuses importantes augmentations des tarifs, d’améliorer le service, en le rendant plus rapide et plus pratique, au lieu de réduire les commodités des voyageurs dans de telles proportions,
Considérant qu’il est impossible aux titulaires d’une carte d’abonnement de rentrer déjeuner à une heure convenable,
Demande instamment que :
L’ancien horaire qui était en vigueur depuis quelques années, à la satisfaction du public soit rétabli dans les plus brefs délais,
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la suppression de l’inadmissible transbordement à Achères ou ailleurs, que rien ne peut justifier,
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Le rétablissement des trains suivants :
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n° 621 partant de Paris à 10h.30
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n° 622 partant de Mantes à 10h.21
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n° 632 “ 14h. 21
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l’arrêt en gare de Vernouillet-Verneuil (station desservant deux communes dont la population agglomérée normale est de 3.800 habitants et estivale plus du double) des trains n°600 et 138 arrivant à Paris à 4h.50 et 14h.47 et du n° 137 partant de Paris à 11h.30, en faisant remarquer que ces trains s’arrêtent aux gares des Mureaux et de Villennes sur Seine.
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D’autre part, la suppression de le l’arrêt à la station de Vernouillet Verneuil des trains n°600, 137 et 138, alors que ces trains s’arrêtent aux stations voisines des Mureaux et de Villennes, est une brimade qui aura pour effet de diminuer la population de nos communes au profit des communes privilégiée.
Les usagers payants protestent véhémentement contre de telles mesures et se demandent quelles sont les raisons qui ont amené la S.N.C.F. à apporter un tel changement dans leurs déplacements nécessités impérieusement pour leurs occupations et seraient désireux de connaître ces raisons…“
Ce texte nous apprend que Vernouillet est encore en 1939, une villégiature d’été puisqu’il est question d’une population “estivale“ égale à celle du village. Les belles villas de Vernouillet sont encore des résidences secondaires de Parisiens. Ce sont ces villas vides qui seront occupées un peu plus tard par l’armée allemande d’occupation[18]. Le ton de ce texte montre que la tension “mairie-compagnie du chemin de fer “ est encore vive 100 ans après la création de la ligne !
De 1940 à 1945, le trafic de banlieue est très perturbé par les bombardements. Le pont de Maisons-Laffitte est détruit. Il n’y a que 6 aller et retour par jour. Le trajet peut durer jusqu’à deux heures. Il faut passer par Triel et traverser la Seine sur un bac, ou par la grande ceinture avec changement à Saint-Nom-La Brétèche. Le trafic redevient normal à partir du 11 août 1945.
Pendant la deuxième guerre mondiale, des fonctionnaires du chemin de fer allemand séjournent à Vernouillet. Leurs activités se situent à la gare de triage qui retrouve sa vocation “militaire“. Ils sont logés dès 1940 dans une maison en face de la gare et dans la maison de M. Constant au 23 rue Jean Jaurès. Un service de garde-voies important emploie en permanence une cinquantaine de personnes [19]
Le trafic marchandises
Une importante gare de marchandises, puis gare de triage à partir de 1915, est installée sur le côté Verneuil de la gare. Pendant tout le XIXe siècle, cette gare était utilisée par les agriculteurs de Vernouillet et de Verneuil et d’autres professionnels pour acheminer leurs produits par ce nouveau moyen de transport plus rapide que la route ou la voie d’eau. Un litige entre la mairie de Vernouillet et un certain Ollivon charretier, rendu responsable de dégradations de la route de Marsinval nous donne une indication sur la nature du transport à destination de la gare. Ainsi, dans la délibération du Conseil Municipal du 2 novembre 1899 :
“ …considérant que le sieur Ollivon a effectivement et gravement affecté le chemin vicinal de Marsinval à Vernouillet sur lequel il passe d’une façon continue avec des chargements de sable de fonderie destiné à la gare de Vernouillet…“[20]Le sable de fonderie mentionné est aussi chargé sur des péniches et après transbordement à Rouen sur des bateaux, expédié à Hull en Angleterre.
Après la première guerre, le trafic des trains au départ de la gare de Vernouillet-Verneuil est essentiellement voyageur. Le développement de l’automobile va réduire le transport des marchandises dès la fin de la guerre. De plus en plus, les agriculteurs utiliseront des camionnettes pour se rendre sur les marchés. La population change. Progressivement la gare de Vernouillet-Verneuil devient une station de train de banlieue emmenant les ouvriers et les employés résidant à Vernouillet vers leur lieu de travail, à Paris ou à Poissy. La gare de triage occupe néanmoins une surface importante. Son activité est grande entre les deux guerres. Elle existe encore actuellement même si son activité est pratiquement nulle.
D’après Marie Claire Tihon, ce serait le bruit provenant de la gare de triage qui aurait importuné la Princesse de Ligne, châtelaine de Verneuil, au point de la décider à vendre le château en 1929.
Autour de la Gare
La gare apporte des activités commerciales ; Ainsi dans une délibération du Conseil municipal de 1908, il est question d’un projet d’établissement d’un kiosque à la gare
“…M. Le Président donne connaissance au Conseil d’une lettre dans laquelle M. G.Oudry :
1. L’envoi d’un mandat poste de 10F pour le paiement de la location du terrain occupé par son affiche sur le talus du chemin près de la gare.
2. Demande l’autorisation d’établir un kiosque au bas du pont du chemin de fer à la sortie des voyageurs, côté descendant, moyennant un prix de location à fixer.
3. Dans le cas où la demande serait agréée, s’engage à rétablir à ses frais le banc qui existait à cet endroit et qui a été détruit…“
Le conseil donne son accord.
Sur cette carte envoyée en 1913, on voit, à droite le kiosque
Un premier hôtel-restaurant est installé à proximité de la gare à la villa “La Bastide“ située l’adresse actuelle 8, route de Triel.
La Bastide premier hôtel restaurant situé à l’adresse actuelle 8 rue de Triel
Ensuite un autre Hôtel Restaurant sera construit en face de la gare
Place de la gare figurant sur une carte postale postée en 1909. À droite, l’hôtel de la gare. À gauche le bâtiment de la station
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La présence à proximité immédiate de la gare d’un hôtel restaurant a été et est encore la règle dans la plupart des villes de Province sur le trajet des grandes lignes. On comprend facilement que cela correspond aux besoins de différents professionnels. Mais dans une station de banlieue, à une heure à peine de Paris ? Qui étaient les voyageurs qui passaient la nuit à l’hôtel de la gare ? Etait-ce des professionnels actifs à la gare des marchandises ? Ces nouveaux établissements contrairement à La Bastide se situent de l’autre côté des voies. C’est le côté des départs vers Paris. Côté arrivée, il existait un portillon qui permettait aux voyageurs de sortir de la gare sans traverser les voies.Les cartes postales anciennes nous montrent l’Hôtel de la Gare qui était un établissement d’une certaine importance.
Le passage à niveau :
Un passage à niveau est installé sur la rue du Bout Large (rue Girardin) à la demande de la Municipalité en 1848 (voir plus haut)
Pour en assurer la surveillance, la Compagnie de L’Ouest emploie des gardes- barrières. Ce sont, la plupart du temps des femmes, épouses d’employés de la Compagnie. Les familles habitent des pavillons entourés d’un petit jardin, près de la voie ferrée. La fonction de garde-barrière disparaîtra dans les années 1960 lors de l’installation des barrières automatiques
Photo de la famille Chéreau, devant la maison de garde-barrière, prise vers 1914
Armand Chéreau porte l’uniforme des employés de la compagnie. Son épouse, Julienne est la garde-barrière. La petite fille est Nathalie Chéreau qui a été pendant 40 ans institutrice à Vernouillet, à l’école du Clos des Vignes dont un certain nombre d’années comme directrice (archives de la famille Chéreau)
La maison (actuellement disparue) se situait à droite de la barrière représentée sur la carte postale.
En 1902, la compagnie de l’Ouest propose de vendre à la mairie un terrain en face la maison du garde-barrière, au chemin vicinal n°7, au Bout Large (c’est l’emplacement du passage à niveau actuel, rue Girardin). La municipalité décline l’offre, jugée trop chère.
Carte postale du passage à niveau vers 1900
Les matériels ferroviaires
Les locomotives
La première locomotive de la ligne est une Buddicom de type Stephenson. Nous connaissons les caractéristiques techniques de cette machine par un descriptif figurant dans le traité de mécanique de Ch. Delaunay, paru en 1857. Il s’agit d’une machine à vapeur à double effet :
“…Deux cylindres A sont placés à l’avant de la locomotive. …Un piston se meut dans chacun de ces deux cylindres, et y reçoit l’action de la vapeur, tantôt sur une de ses faces, tantôt sur l’autre. Cela constitue donc en réalité deux machines à vapeur à double effet, comme dans les bateaux à vapeur…La distribution de la vapeur dans les cylindres se fait au moyen de tiroirs mus par des excentriques circulaires que porte l’essieu des roues motrices…“
La machine Buddicom figurant dans le traité de mécanique de Delaunay
La locomotive Buddicom restera en service jusqu’en 1918 dans la gare de triage de Vernouillet. Elle sera remplacée pour le service de banlieue par des locomotives de différents types dont certaines sont reconnaissables sur les cartes postales
La Buddicom dans une gare de triage (Document Louis Dufau)
Sur divers documents, on reconnaît le type de machine en service au cours des années.
La locomotive représentée sur cette carte ancienne (vers 1900) est probablement une 120 dont la première mise en service date de 1878.
Sur une carte plus récente on voit une machine de type 131 mise en service en 1908
La locomotive visible sur cette carte des années 1950 est une 141 TC, la dernière machine à vapeur mise en service sur la ligne vers 1929.
Locomotive 141TC. La dernière machine à vapeur mise en servicee sur la ligne
(Document la Vie du Rail)
Les wagons :
Les premiers wagons du Paris-Rouen étaient des voitures luxueuses décorées aux armes de Paris et de Rouen.[21], Mais, dès la fin du siècle, il apparaît que les voitures utilisées pour le trafic de banlieue ne sont pas les mêmes. Pour preuve, les interventions des maires à propos du chauffage.
Carte postale montrant un train entrant en gare de Vernouillet. Le pont est déjà rehaussé, mais le train ne comporte pas de wagon à impériale. La locomotive est une 220 dont la première mise en service remonte à 1888
Sure cette photo de la gare de Poissy en 1902, on voit un wagon à impériale ainsi qu’un wagon BUFFET. Mais il est possible que le train représenté n’allait pas au-delà de Poissy. La voiture Buffet ne restera en service que très peu de temps. (document La vie du Rail)
Wagons à 2 étages Carrel Fouché mis en service sur la ligne en 1933
(document La Vie du Rail)
Carte postale de la gare vers 1950. Les rames “Talbot“ mises en service entre les deux guerres seront remplacées par les voitures orange à deux étages dans les années 1980
Les wagons de marchandises :
Les voitures utilisées n’étaient pas différentes de celles utilisées sur les autres lignes. Toutefois on trouve une expérience intéressante faite par la Compagnie de l’Ouest et mentionnée dans le livre d’Oppermann “Visite d’un ingénieur à l’exposition universelle de 1867.
Il s’agit d’un wagon à châssis brisé, système Bournique et Vidard, dont le but est de permettre d’articuler le wagon dans les courbes, de réduire les frottements et de permettre d’aborder des courbes de rayon réduit. :
“…Il a été essayé en août 1866 par M.Benoit Duportail, Ingénieur des ateliers des chemins de fer de l’Ouest... Le déplacement des essieux au passage des courbes s’est effectué sans difficulté, de même que le retour au parallélisme à la sortie des courbes. Depuis cette époque, ce wagon a été employé dans les trains réguliers, sur la ligne du Havre, pendant six mois avec un chargement de 13,5 tonnes…“
Plus tard, l’utilisation des boggies permettra de solutionner le problème posé par le passage des wagons longs dans les courbes de faible rayon.
En 1962, la SNCF décide le déplacement de la gare de Vernouillet-Verneuil à l’emplacement actuel entièrement sur le territoire de Verneuil. Le 24 février, le Conseil Municipal “…félicite M. le Maire de son action énergique, et maintient son point de vue préconisant la création d’une nouvelle gare face aux usines Fibrociment-Dalami et une gare à Verneuil vers le pont du Rouillard…“ Le projet de gare face aux usines Dalami Fibrociment ne sera jamais réalisé.
Le 20 juin 1964, la nouvelle gare est inaugurée. En 1975, grâce à l’action d’un promoteur, est crée la gare des Clairières de Verneuil, qui correspond à peu près à celle demandée vers le pont du Rouillard. Mais la station en face de l’usine Fibrociment ne verra jamais le jour. Des 1960, la SNCF étudie l’électrification de la ligne. La mise en service a lieu le 11 janvier 1966 entre Mantes et Achères ; elle n’intéresse que le trafic marchandise. Le 20 septembre de la même année, elle atteint la gare Saint-Lazare.
La gare de Vernouillet – Verneuil dans les années 1950 (document La Vie du Rail)
Le chemin de fer a joué un rôle considérable dans la mutation sociale de Vernouillet. D’abord perçu comme un gêneur et une entrave aux activités des agriculteurs, il permet dès le début, à une nouvelle population de venir à Vernouillet. Ce sont d’abord les riches Parisiens, propriétaires de belles villas qui font de Vernouillet un lieu de villégiature et de vacances. Ensuite une nouvelle population plus modeste va venir s’installer à Vernouillet tout en travaillant à Paris. Progressivement cette nouvelle population deviendra plus importante que celle issue des familles agricoles. Vernouillet devient une commune de banlieue. Le rôle du train est d’assurer à cette nouvelle population le transport quotidien vers Paris.
[1] Le cercle historique de Poissy a fait plusieurs publications sur la Galiotte
[2] Ces indications figurent dans le livre de John Wilford Waerdell “A history of Yarm“
[3] Source Dictionnaire encyclopédique Larousse, édition de 1983
[4] Prolongement vers la Seine de l’actuelle rue de la Haie Saint Marc, limite entre Verneuil et Vernouillet qui se prolongeait vers la Seine (base de loisirs)
[5] À propos de M. Gonse, vous reporter au chapitre sur l’évolution foncière
[6] Il s’agissait probablement de M. Louis Berson, régisseur du château et maire de Vernouillet de 1807 à 1835 .
[7] D’après le livre “Les cheminots“ de Marc Barol. On ne trouve aucune mention de la présence de ces soldats à Vernouillet dans les archives de la mairie.
[8] Il s’agit bien de la gare de Vernouillet qui portera le nom de Triel jusqu’en 1892 lors de l’ouverture de la ligne de la rive droite.
[9] On ne trouve aucune mention de cette “bénédiction“ dans les archives de la Paroisse
[10] En 1960, les derniers trains omnibus à vapeur effectuaient ce trajet en 58 minutes .Il y avait 7 arrêts : Villennes, Poissy, Achères, Maisons-Laffitte, Sartrouville Houilles, La Garenne Bezons. En plus d’un siècle on n’avait gagné que 3 minutes !
[11] Extrait du livre de Marie Claire Tihon, “Verneuil-sur-Seine une grande histoire“ p. 734
[12] Documents mentionnés par M. Louis Foulon dans son étude sur l’histoire de Vernouillet
[13] Il s’agit de Verneuil-sur-avre
[14] Ces indications figurent dans le guide Baedecker “Paris und Umgebungen“(Paris et ses environs) édition de 1888
[15] GC “grande communication“ était la dénomination de certaines routes. Cette dénomination était encore utilisée dans les années 1930
[16] Il faut lire entre 22h.07 et 00h.45
[17] Voir le chapitre consacré à la guerre de 1914-1918
[18] Voir à ce sujet le chapitre consacré à Vernouillet pendant la guerre de 1939-45
[19] Voir à ce sujet le chapitre consacré à la guerre de 1939-1945
[20] Le litige entre la Municipalité et le sieur Ollivon durera plusieurs années et apparaît régulièrement dans les comptes-rendus des délibérations du, conseil
[21] Une reproduction de ces voitures figure dans le livre de Marie-Claire Tihon “Verneuil-sur-seine, une grande histoire“.